La RSE, solution d’avenir pour les entreprises françaises dans les pays émergents

RSE et ESG, outils stratégiques d’investissement dans les économies émergentes

Cet article mis à jour a été initialement publié sur Le Cercle Les Echos ici

En 2030, l’économie française ne sera plus dans le top 10 mondial. Elle sera reléguée derrière l’Inde, l’Indonésie, le Brésil, la Russie et le Mexique. Peut-être même la Turquie. Investir dans les économies émergentes et réussir à s’y enraciner est indispensable pour compter dans l’économie mondiale de demain. Pour transformer l’essai, la RSE et l’utilisation de critères ESG permet d’appréhender sérieusement les contextes locaux, calibrer les stratégies, adapter les pratiques managériales.

Pour toutes, le concept de Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) offre un prisme d’analyse utile pour focaliser les investissements et mieux identifier les relais de croissance d’aujourd’hui et encore plus de demain.

Brésil, Chine, Inde, Indonésie : de profondes mutations sociétales

Les économies émergentes connaissent de profondes mutations sociétales. Une nouvelle classe moyenne de masse s’y développe, friande de consommation. En réponse à ces développements, les  infrastructures sociales, économiques et politiques sont sous forte tension, voire tout simplement incapables de satisfaire le développement rapide de ces économies. Les pressions sociales et environnementales s’y cumulent et freinent le développement. Par exemple :
– Le Brésil ou l’Inde doivent massivement investir dans l’éducation et la formation professionnelle.
– De son côté, la Chine est consciente que son développement repose sur une croissance bien trop gourmande en énergie. Les plans quinquennaux (2016 – 2020) se succèdent pour réduire l’intensité énergétique et l’intensité carbone de la croissance. L’Indonésie est sur la même ligne renforçant ses investissements dans la géothermie et les autres renouvelables.

De nouveaux modèles de consommation

En réponse, les entreprises ont une part de responsabilité dans l’invention de nouveaux modèles de développement et de consommation : créer des infrastructures à faible empreinte environnementale, développer des systèmes éducatifs capables de former des masses rapidement et à faible coût, développer des nouveaux modes de consommation touchant des populations à faible revenu, ou bien permettant aux classes moyennes de réduire leur empreinte environnementale. Telle est la clé du succès des entreprises qui envisagent sérieusement, et à juste titre, d’enraciner leur présence  sur les marchés qui façonnent le futur de l’économie mondiale.

La RSE et le prisme ESG comme éléments de solutions

La RSE offre un prisme d’analyse pour aider les entreprises à comprendre les dynamiques en place, identifier les risques et opportunités et développer les facteurs de compétitivité à long terme. Bien appréhendée, la RSE ainsi que l’analyse extra financière peuvent assurer aux entreprises leur capacité à intégrer et se développer au sein de ces économies émergentes. Par exemple :

  • Engager des parties prenantes pour mieux appréhender les risques et opportunités dans des environnements opaques. Les investissements dans les économies émergentes présentent des risques extra financiers, environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui sont aussi importants que difficiles à appréhender sans une analyse locale approfondie. Utiliser des critères RSE pour évaluer les pratiques opérationnelles de partenaires locaux permet d’investir en Joint Venture avec davantage de confiance. Intégrer des critères RSE dans un contrat avec des autorités publiques locales chargées d’enquête publique ou responsable du développement d’infrastructures liées aux projets des entreprises internationales permet d’éviter bien des surprises.
  • Est-ce que les statistiques disponibles sont fiables ? Quelle est la valeur du cadre juridique des opérations ? Quelle « acceptabilité sociale » (Licence to Operate) est-il réaliste d’envisager pour tel ou tel projet industriel ?
  • La démarche de cartographie et d’engagement des parties prenantes d’un projet prend un sens d’autant plus critique qu’elle permet de mieux appréhender des réalités à même d’impacter très directement la compétitivité d’un projet.
  • Multi-polariser le management. Les entreprises françaises s’organisent encore autour de logiques centralisées « siège-filiale ». Elles doivent pouvoir s’en affranchir pour mieux cerner et adapter les approches managériales aux différentes dynamiques locales. L’approche locale est d’autant plus essentielle que selon le pays, les dynamiques sociétales façonnant les marchés et les approches managériales diffèrent largement :
    Au Brésil, une forte société civile endosse le rôle d’acteur d’innovation pour façonner les modes de consommations. En Chine, le gouvernement dirige les forces de l’économie vers une performance améliorée, y compris une meilleure performance environnementale. En Inde, les attentes de responsabilité sociale vis-à-vis des entreprises industrielles étrangères sont élevées, notamment depuis la catastrophe de Bhopal.

Les entreprises qui réussissent sont celles qui donnent aux activités inscrites dans ces marchés émergents le large niveau d’autonomie permettant d’adapter les approches et de s’inscrire de plain-pied dans les dynamiques locales de ces marchés. La RSE est en soi un processus transactionnel, nourrissant la performance de l’entreprise autour d’un principe d’intelligence collective. La politique du siège peut fournir un cadre, certes, mais il faut laisser une grande flexibilité afin de s’adapter aux particularités de chaque marché local. On parle, alors de management « multi-polarisé ».

L’entreprise est également avant tout une expérience humaine. En ce sens, et notamment dans le cas des marchés émergents, la promotion de la diversité représente une opportunité pour les entreprises : il faut des décideurs et des opérationnels qui soient le reflet des marchés et des dynamiques sociétales dans lesquelles les entreprises s’inscrivent pour capter les opportunités.

A l’exemple de la diversité, la RSE encourage les entreprises à voir comment les thématiques perçues comme des contraintes environnementales, de gouvernance ou bien sociales (exemple : se forcer à intégrer des gens portant une forme de différence dans une organisation) peuvent en fait être autant de levier d’innovation pour donner une nouvelle jeunesse aux approches managériales en place (exemple : voir la diversité comme un investissement permettant de mieux décrypter la complexité du monde dans la décision managériale).

Compétitivité et survie économique

A l’évidence, les stratégies et tactiques RSE ayant porté leurs fruits dans les pays développés ne réussiront pas forcément de même dans les pays émergents. Pour les entreprises d’aujourd’hui, comprendre et maîtriser les nuances de ces marchés émergents qui sont les nouveaux conducteurs de l’économie mondiale en devenir devient impératif. La compétitivité des entreprises françaises, voire leur survie dans les années qui viennent, en dépend. RSE et critères ESG aident à appréhender les contextes, calibrer les stratégies et adapter les pratiques managériales.

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Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.

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