Le projet RIVER (Rubber Improvement of Value chain & Embedded Smallholders Resilience) a pour objectif de fournir à 6000 hévéaculteurs sri lankais des formations agricoles, un accès à la solution digitale SUTTI, un marché sécurisé et rémunérateur. Un tel programme exige de s’appuyer sur une coalition multipartite, constituée d’organismes publics et privés apportant des expertises diverses et complémentaires telles que l’agronomie, le développement applicatif ou la mesure de l’impact. Le diagnostic constitue également le premier exercice du projet RIVER. Il se définit comme multi-sectorielle composé de différentes études de différentes thématiques afin de cerner au mieux les enjeux et les opportunités du contexte du marché hévéicole sri lankais.
La phase de diagnostic du projet RIVER, une approche multi-disciplinaire pour mieux comprendre le contexte et les besoins des bénéficiaires
Avant même de débuter les activités auprès des fermiers, Ksapa s’est appuyée sur une coalition multi-acteurs afin de réaliser un diagnostic socio-économique. En effet, afin d’appréhender aux mieux les problématiques du terrain, différentes organisations aux expertises complémentaires se sont déployées dans les zones ciblées. L’objectif est de comprendre de manière holistique les contraintes et les besoins des petits hévéaculteurs afin de proposer des formations adaptées et des modèles agronomiques performants sur la base de la diversification des revenus et les bonnes pratiques agricoles.
Pour répondre au mieux à ces objectifs, il était important de comprendre l’environnement économique et commercial des producteurs mais aussi les enjeux et les risques de la filière caoutchouc au Sri Lanka. C’est pourquoi Ksapa a répartis les rôles de chacun des partenaires et les a mis en relation afin de tenir compte de leurs recommandations tout en assurant la synthèse.
Sur la base de ce processus de co-création, les études apportées lors de ce diagnostic sont les suivantes :
Une analyse socio-économique globale menée par Lanka Organic Agriculture Movement : LOAM est une organisation non-gouvernementale. Depuis 1994, LOAM promeut l’agriculture biologique au Sri Lanka en collaboration avec des producteurs, et universitaires en lien avec des acteurs privés facilitant la commercialisation des produits. Leur expérience du terrain ainsi que leur proximité avec les fermiers représentent un réel avantage dans la réalisation du diagnostic. En outres, LOAM a pu approcher près de 300 planteurs d’hévéas dans l’est du pays dans les districts de Moneragala et Ampara qui sont les zones de culture non-traditionnelles du caoutchouc naturel. Cette étude a pour objectif d’établir une typologie d’agriculteurs en fonction de leurs ressources (terre, capital et main d’œuvre) et des enjeux socio-économiques afin de proposer des solutions (formation, appui, équipement, outils) adaptées aux besoins à chaque profil de fermiers. Cet exercice permet également d’identifier les savoirs et équipements nécessaires pour faire évoluer leur système de production vers des pratiques durables et économiquement performant. Aussi, afin de garantir un apport méthodologique supplémentaire, Ksapa a fait appel à deux étudiants agronomes de l’université de Wellassa de Badulla. Les étudiants sri lankais ont pu apporter leur soutien dans l’animation des ateliers de travail avec les fermiers de LOAM mais aussi élargir leurs connaissances terrain et technique.
Un diagnostic technique sur les pratiques agricoles dans les plantations hévéicoles : Michelin, principal acheteur de caoutchouc au Sri Lanka et dans le monde, s’investit dans l’amélioration des pratiques agricoles en proposant régulièrement des formations mais aussi des visites de parcelles chez les petits fermiers. Dans le cadre du projet RIVER, un expert de Michelin a réalisé une mission afin d’identifier les contenus prioritaires à apporter aux fermiers via de formations technique mais aussi la bonne approche méthodologique afin d’assurer un taux d’adoption maximal auprès des agriculteurs. Pour cela, un échantillon de 42 petites exploitations agricoles a été interviewées. Le rapport comporte une fine description de l’état des plantations d’hévéa dans la zone cible ainsi que des recommandations d’améliorations de pratiques agricoles.
Une observation de la diversité des systèmes intercalaires hévéicoles par le CIRAD : Le CIRAD est un institut de recherche d’agronomie tropicale français. Deux chercheurs seniors ont été missionnés pour s’impliquer dans le diagnostic du projet RIVER. Leur champ d’expertise couvre les pratiques agroécologiques hévéicoles et l’analyse économique des systèmes agroforestiers. Lors d’une visite terrain de dix jours, ils ont pu visiter les différentes zones afin d’observer la diversité des associations culturales mais aussi cerner les contraintes pédoclimatiques et agronomiques des producteurs locaux. Ils ont pu comparer leurs constatations terrain avec d’autres situations à travers le monde. Cela a permis de structurer les questionnaires d’étude de LOAM et d’encadrer le travail de stage d’une étudiante française en école d’agronomie et de développement international à l’ISTOM.
L’étude technico-économique des stratégies de diversifications des systèmes intercalaires hévéicoles par une étudiante de l’ISTOM : Dans le cadre de son stage de fin de cursus, une étudiante de l’école d’agronomie tropicale ISTOM, a réalisé une étude sur les stratégies de diversification des producteurs hévéicoles au Sri Lanka. Pendant quatre mois, Laura a pu étudier les zones du projet et rencontrer les fermiers ayant mis en place des systèmes intercalaires innovants. Son objectif étant de déterminer un ou des systèmes de cultures diversifiés et économiquement performant afin proposer un modèle agronomique qui soit adopter par tous les bénéficiaires d projet RIVER. Cette étude vient en complément des premières observations terrain des chercheurs du CIRAD.
Un encadrement technique par Mazars pour la validation de la méthodologie de mesure d’impact : Mazars est un leader international de l’audit, de la fiscalité et du conseil. En tant que membre du « Club de partenaires FASEP » et un partenaire structurel de la démarche SUTTI, la contribution de Mazars permettra de cadrer et tester la méthodologie de mesure d’impact SUTTI en amont sur un cas concret, avec pour objectif de la répliquer pour de futurs déploiements de la solution.
Un support légal par DS Avocats pour encadrer les démarches et la mise en œuvre du projet : Cabinet français, DS Avocats a été parmi les premiers cabinets d’avocats à s’implanter sur les places de droit encore « émergentes » hier, mais aujourd’hui cœurs de l’économie mondiale. Avec le support des professionnels du droit (avocats, juristes), disposant d’une double expertise, en conseil comme en contentieux, DS Avocats accompagne Ksapa à travers le club d’entreprises FASEP dans le traitement des problématiques juridiques locales liées à l’implantation et la bonne conformité du programme SUTTI.
Quels risques comportent une approche méthodologique multi-acteurs ?
Les avantages
Dans un projet de développement, l’approche multi-acteurs s’avère indispensable. En effet, pour la mise en place et le déploiement d’un projet dans un pays en voie de développement avec une situation économique qui peut devenir instable, Ksapa se devait de prendre en compte les tenants et aboutissants sociologiques, économiques et environnementaux.
Sachant que le projet RIVER a pour objectif d’impacter l’entièreté de la filière caoutchouc du Sri Lanka sur le long terme, il s’est alors avéré nécessaire de faire appel à différents maillons de la chaine de valeur afin d’identifier les risques et les enjeux le concernant directement. Ces maillons ont souvent du mal à communiquer les uns avec les autres et subissent à leur échelle des modifications profondes.
L’approche multi-acteurs s’est alors avérée concluante pour plusieurs raisons :
Diversifier les approches méthodologiques : différents champs de compétences ont été mis au service d’un seul objectif. Les différents points de vue et méthodologies permettent d’évaluer les solutions sous des perspectives variées et une analyse exhaustive des challenges.
Immersion sociale : la collaboration avec les partenaires locaux fourni une clé de compréhension des facteurs historiques et sociaux ainsi que de leurs influences sur les facteurs de décision des fermiers et des marchés locaux.
Renforcement relationnel : la complémentarité entre organisations et les approches méthodologiques diversifiées favorisent des temps d’échanges enrichissant. Chaque partie prenante se sent libre d’exposer un point de vue extérieur novateur. La contribution des partenaires est relatif à leur type de recommandation et à leur champ d’expertise, cela participe au processus de co-création. Aussi, des ateliers de travail ou encore des sessions échange/débat sont organisées en collaboration avec chacune des parties prenantes. Cela a demandé à Ksapa un effort de coordination et de communication important de l’ordre relationnel.
Les inconvénients
Néanmoins, la démarche multi-acteurs peut comprendre quelques risques dans sa réalisation :
La coordination : Ksapa est une organisation hybride qui se compose de professionnel aux différents champs d’expertise qui peuvent alors sélectionner les organisations dont l’expertise apparait nécessaire pour la bonne compréhension et mise en œuvre du projet. Il en va de son rôle de s’assurer que les discussions et le déploiement terrain se déroulent de façon homogène et que chaque organisation partage le niveau d’information nécessaire pour atteindre les objectifs définis. Chaque organisation prend part de manière égale dans les recommandations du projet. Il faut mettre en relation les bonnes personnes, anticiper les rencontres, définir le rôle de chacun et créer une vision commune dans l’intérêt des objectifs du projet.
La répétition : le rôle de Ksapa a été de définir les rôles de chacun avant le lancement du diagnostic. C’est la clé de la réussite du projet. En effet, bien définir les rôles et les objectifs de chacun permet d’éviter les répétitions et de potentielles redondances dans les différentes recommandations et activités menées auprès des agriculteurs.
Les normes sociales : les différences de coutumes ainsi que les langues peuvent apparaitre comme des freins dans la communication et la planification du projet. Il est important de revenir sur chacune des étapes et recommandations afin d’assurer la bonne compréhension de celles-ci.
Conclusion
L’approche multi-acteurs est une méthode efficace et adaptée au contexte de réalisation de projet de développement. Dans le cadre de la phase de diagnostic du projet RIVER, cela s’est concrétisé par une collaboration étroite des différentes parties prenantes, la construction d’un état des lieux partagé par tous et la mise en place d’activités décidées collectivement afin de répondre à des problématiques claires . Chaque acteur de la coalition a ses propres intérêts et c’est autour de stratégie gagnant-gagnant que les objectifs et impacts attendus du projet ont été prédéfinis.
Grâce à cette approche, la phase de déploiement du projet sera adaptée aux besoins spécifiques des agriculteurs et des bénéficiaires du projet, en tenant compte des différents défis et des contributions correspondantes requises de la part de toutes les parties prenantes qui seront impliquées dans le projet.
Cependant, sur la base des résultats du diagnostic et de la recherche approfondie, de nouveaux défis et opportunités apparaissent et doivent être pris en considération pour l’adaptation des prochaines phases du projet. Ksapa, avec le soutien des partenaires locaux, va co-développer une stratégie adaptée pour atteindre les objectifs du projet.
Ksapa a su créer, orchestrer et délimiter les rôles de chacun et coordonner chacune des étapes du diagnostic afin d’explorer les facettes techniques, culturelles et socioéconomiques indispensables à agencer ensemble pour améliorer la performance environnementale et sociale d’une filière au bénéfice de ses différentes parties prenantes.