Le monde de l’intelligence artificielle (IA) connaît une croissance sans précédent. Dans les économies avancées, l’IA révolutionne les industries, résout des problèmes complexes et stimule l’innovation. Cependant, lorsque nous nous tournons vers les pays dits « du Sud », c’est-à-dire les pays à revenu faible et intermédiaire, la situation est différente. Malgré les promesses de l’IA en matière de transformation des économies et des sociétés, les pays du Sud restent largement exclus de la révolution de l’IA. L’écart est évident non seulement en matière d’accès à la technologie, mais aussi en matière de financement, de recherche et de renforcement des capacités.
En juillet, Ksapa a eu l’honneur d’être invité à prendre la parole lors du sommet « Artificial Intelligence for Developing Countries » (AIFOD) organisé par les Nations Unies à Vienne, qui traite de cette question cruciale. L’objectif du forum était clair : l’IA ne doit pas seulement servir une poignée de privilégiés, mais l’humanité tout entière, en particulier les pays du Sud. Cette mission est d’une urgence absolue, surtout si l’on considère que moins de 1 % des fonds mondiaux consacrés à l’IA sont investis dans les pays du Sud.
« L’objectif du Forum sur l’IA pour les pays en développement s’aligne sur la mission des Nations Unies visant à promouvoir le développement durable, l’égalité et la paix. En garantissant un déploiement éthique de l’IA dans les pays en développement, ce forum peut favoriser le progrès social, la croissance économique et l’autonomisation, les aidant ainsi à tirer le meilleur parti de l’IA tout en minimisant son impact négatif. » – David Chilvaidze, ancien chef de cabinet, Bureau du Directeur général de l’ONUG
Pourquoi l’AIFOD est-elle importante ?
Le forum AIFOD n’était pas simplement un énième rassemblement technologique consacré à l’intelligence artificielle. Son objectif était de veiller à ce que l’IA ne perpétue pas les inégalités, mais contribue au contraire à uniformiser les règles du jeu pour tous les pays. L’événement a réuni des décideurs politiques, des experts en IA et des leaders d’opinion afin de discuter de la manière dont les pays en développement peuvent devenir des acteurs actifs dans le domaine de l’IA. Plus important encore, il a fourni une plateforme pour explorer comment l’IA peut être adaptée aux besoins spécifiques des pays du Sud, en mettant l’accent sur le développement durable et les principes éthiques.
Principaux thèmes abordés lors de l’AIFOD
Le forum a abordé un large éventail de questions essentielles pour comprendre comment l’IA peut devenir une force inclusive et durable au service du bien commun. Voici un aperçu des principaux thèmes et discussions abordés :
1. Tendances en matière d’investissement dans l’IA
L’une des principales discussions a porté sur la disparité croissante en matière d’investissement dans l’IA. Alors que les pays développés continuent de bénéficier de milliards de dollars de financement dans ce domaine, les pays en développement ne reçoivent qu’une fraction de ces ressources. Cet écart limite non seulement le potentiel d’innovation, mais compromet également les efforts visant à résoudre les défis critiques auxquels sont confrontés les pays à revenu faible et intermédiaire. La conversation a porté sur la nécessité d’accroître les investissements dans les initiatives d’IA qui traitent directement des questions telles que les soins de santé, l’agriculture, l’éducation et la réduction de la pauvreté dans les pays du Sud.
2. Combler le déficit de financement
La manière de combler le déficit de financement de l’IA dans les pays en développement a également été au cœur des discussions. Les experts ont souligné la nécessité de partenariats mondiaux, de politiques inclusives et de mécanismes de financement ciblés qui permettraient de donner les moyens d’agir aux start-ups locales spécialisées dans l’IA, aux instituts de recherche et aux gouvernements des pays du Sud. L’objectif n’est pas seulement d’attirer davantage de financements, mais aussi de veiller à ce que ces investissements soient orientés vers des projets qui répondent aux besoins des communautés locales.
3. Des modèles qui fonctionnent
Les solutions d’IA qui ont fait leurs preuves dans les pays du Sud ont été mises en avant tout au long de l’événement. Ces exemples ont montré que l’IA est appliquée de manière innovante dans les pays en développement. Des solutions de santé basées sur l’IA en Afrique aux modèles d’agriculture de précision en Asie du Sud, ces exemples ont souligné le potentiel de l’IA pour transformer des secteurs essentiels au développement économique. Cependant, la mise à l’échelle de ces initiatives nécessite un soutien et une collaboration soutenus de la part des organisations internationales, des gouvernements et du secteur privé.
4. Principes pour une IA responsable et équitable
À mesure que les technologies d’IA continuent d’évoluer, leurs implications éthiques suscitent de plus en plus d’inquiétudes, en particulier dans les pays du Sud. Durant le sommet AIFOD, les discussions ont porté sur quatre piliers d’une IA responsable essentiels pour garantir que l’IA réponde aux besoins des pays en développement sans aggraver les inégalités existantes.
Une approche respectueuse : les solutions d’IA doivent être mises en place en tenant compte des spécificités culturelles et des défis propres aux pays à revenu faible et intermédiaire. Il est important que les technologies d’IA ne soient pas imposées aux communautés, mais développées en consultation avec les parties prenantes locales. Cela implique d’impliquer les gouvernements locaux, les entreprises et la société civile afin de co-créer des solutions à la fois pertinentes et durables.
Un développement partagé : le développement de l’IA doit être un processus collaboratif impliquant toutes les parties prenantes : gouvernements, universités, industrie et société civile. Cela garantit que les technologies d’IA reflètent les besoins et les aspirations des personnes qu’elles sont censées servir, plutôt que les seuls intérêts des géants mondiaux de la technologie.
Gestion des données : en cette ère où les données sont les ressources les plus précieuses, une gestion responsable des données est essentielle. Pour les pays du Sud, garantir une utilisation éthique des données et le maintien du contrôle des communautés locales sur leurs données est un aspect essentiel du développement de l’IA. Cela implique l’adoption de cadres qui protègent la confidentialité des données, favorisent la transparence et garantissent que les données sont utilisées dans l’intérêt des populations locales.
Impact durable : l’objectif ultime de l’IA n’est pas seulement de mettre en œuvre une technologie, mais surtout de créer un changement positif durable. Cela implique que les solutions d’IA doivent être conçues pour être durables sur le plan environnemental, viables sur le plan économique et inclusives sur le plan social. Les pays du Sud sont confrontés à de nombreux défis, du changement climatique aux crises de santé publique, et l’IA doit être mise à profit pour relever ces défis de manière à avoir un impact durable à long terme.
Une voie à suivre pour l’IA dans les pays du Sud
Le forum AIFOD marque une étape importante dans la reconnaissance du besoin de solutions d’IA adaptées aux défis uniques des pays en développement… mais ce n’est qu’un début. Pour garantir que l’IA réponde aux besoins des pays du Sud, plusieurs mesures doivent être prises :
- Renforcer les capacités locales : il est essentiel d’investir dans l’éducation et la formation à l’IA afin de développer un vivier de talents locaux capables de stimuler l’innovation en matière d’IA dans la région.
- Promouvoir les partenariats collaboratifs : les gouvernements, les entreprises technologiques et les organisations internationales doivent travailler ensemble pour créer des environnements propices à l’innovation, à l’investissement et au partage des connaissances.
- Développer des cadres éthiques pour l’IA : à mesure que l’adoption de l’IA se généralise, il est impératif que les pays du Sud développent et appliquent des cadres éthiques afin de garantir une utilisation responsable, transparente et inclusive de l’IA.
- Garantir l’accessibilité : l’IA ne doit pas être l’apanage d’une élite. Elle doit être accessible à tous les pays, afin que les pays à revenu faible et intermédiaire ne soient pas laissés pour compte à l’ère numérique.
Conclusion
Les discussions du forum AIFOD soulignent l’énorme potentiel de l’IA pour stimuler le progrès dans les pays du Sud. Cependant, le chemin à parcourir est encore long. Il sera essentiel de combler le déficit d’investissement, d’adopter des principes d’IA inclusifs et éthiques et de renforcer les capacités locales pour que l’IA tienne ses promesses pour les pays en développement. Le forum l’a clairement montré : l’IA peut et doit répondre aux besoins de tous, et non pas seulement à ceux d’une minorité privilégiée. Dans les années à venir, nous nous rappellerons probablement de ce moment comme celui d’un tournant décisif vers un avenir plus équitable, plus inclusif et plus durable pour l’IA.
Le moment est venu pour les pays du Sud de briller dans le monde de l’IA. Faisons en sorte que cela se réalise !
Ressources supplémentaires
Chez Ksapa, nous nous intéressons particulièrement aux questions liées aux droits humains et aux chaînes d’approvisionnement agricoles dans les économies en développement où les populations vulnérables sont majoritaires. Pour en savoir plus, consultez nos travaux et analyses sur le sujet :
- AI & Human Rights: UN Business Guidance
- Digital Inclusion in Agriculture Value Chains
- SUTTI Digital Solution Suite: at the forefront of Digital inclusion
- AI Standards / Guidelines
- Respectful Entry (Community Engagement & Cultural Respect)
- UNESCO Recommendation on the Ethics of AI (2021)
- Partnership on AI Global Task Force for Inclusive AI
- Indigenous AI Ethics Frameworks (OCAP , Te Mana Raraunga)
- Shared Development (Capacity Building & Benefit Sharing)
- Fair Trade Standards
- B-Corp Certification
- World Bank Technology Transfer Framework
- Data Stewardship (Data Sovereignty & Community Oversight)
- Sustainable Impact (Long-term Community Benefit)
- Impact Management Norms (formerly IMP)
- Social Return on Investment (SROI)
- SDG Alignment Frameworks
- Ubuntu-Inspired and Developing Market Frameworks
- Ubuntu-Based AI Governance
- African Union Continental AI Strategy (2024)
- South-South Cooperation Frameworks
- Respectful Entry (Community Engagement & Cultural Respect)
Christian intervient chez Ksapa en qualité de Directeur des Solutions Numériques. Christian a 20 ans d’expérience professionnelle dans le secteur informatique, après avoir exercé différentes positions en développement et vente de solutions au sein d’IBM France, Metamerge A/S (Norvège) et du Centre National Etudes Spatiales.
En reconversion et désireux de renforcer la contribution de ses projets à l’intérêt général, Christian a récemment suivi un Executive Masters aux Mines ParisTech/ISIGE.
Christian parle français, anglais, serbe, espagnol et russe.