CSDDD : le Parlement européen renforce le devoir de vigilance

Devoir de vigilance européen CSDDD : le Parlement européen renforce le devoir de vigilance

Depuis sa proposition par la commission le 23 Février 2022, la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité avance progressivement vers son adoption officielle. Elle a franchie une nouvelle étape ce mardi 25 avril 2023 avec l’adoption du texte par la Commission des Affaires juridiques du Parlement européen (JURI). Le texte a été adopté à 19 pour, 3 contre et 3 abstentions. Pour rappel la CSDDD vise à imposer aux entreprises l’exercice d’une diligence raisonnable en ce qui concerne les incidences négatives potentielles ou réelles sur les droits de l’homme, l’environnement et la bonne gouvernance dans leurs opérations et relations d’affaires. Si des avancées notoires ressortent de ce texte , il subsiste encore des points qui ont besoin d’être améliorés.

1. Quelques avancées issues du texte de la Commission des affaires juridiques du Parlement

a. Extension du champ d’application de la directive

L’étendue des entreprises concernées par la directive fut l’un des sujets à vif débat devant les différentes instances législatives européennes. Le texte de la Commission des Affaires juridiques vient élargir le champ d’application de la directive par rapport à celui du Conseil. En effet, avec le texte du JURI, la directive s’appliquera désormais aux entreprises de l’UE employant plus de 250 personnes et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 40 millions d’euros. Le JURI inclut également les sociétés mères employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 150 millions d’euros. Les entreprises non européennes sont éligibles dès lors qu’elles réalisent un chiffre d’affaires mondial de plus de 150 millions d’euros, dont plus de 40 millions d’euros sur le marché de l’UE.

Par ailleurs le texte du JURI, réintroduit dans le scope d’application de la directive les institutions financières , antérieurement écartées par le Conseil. En effet, dans le texte adopté par le Conseil, l’application de la directive aux institutions financières était laissée à la discrétion des Etats Membres qui étaient libres de décider de l’étendre ou non aux instituions financières à l’occasion de la transposition dans leurs législations nationales. Désormais sauf modification ultérieure dans le cadre des trilogues, elle s’appliquera aux institutions financières dans le cadre des activités sur lesquelles elles ont le contrôle notamment l’octroi de financements à leurs clients et à leurs filiales. Les institutions financières couvertes concernent les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels. Demeurent ainsi toujours exclus du champ d’application de la directive les fonds de pension, les fonds d’investissement alternatifs, les opérateurs de marché et les agences de notation de crédit.

b. La suppression de la notion de relations commerciales établies

Le texte voté par le JURI fonde désormais le devoir de vigilance des entreprises dur la notion de risque et non plus désormais sur la notion de « relations commerciales établies » qui a été supprimée. Cette notion comportait la limite d’offrir aux entreprises un échappatoire à leur devoir de vigilance. Celles ci pouvaient favoriser par exemple des relations commerciales non pérennes par le changement effréné de fournisseurs en lieu et place de relations commerciales établies qui étaient couverts par la version du Conseil. Un tel échappatoire est désormais fermé par la suppression de cette notion.

c. Une exigence de publication de deux rapports distincts

Pour rendre compte du respect des exigences de la directive en matière de due diligence , les entreprises entrant dans le scope de la directive doivent publier deux rapports distincts. En effet ces dernières publier un premier rapport concernant l’identification, la prévention , l’atténuations les mesures adoptées soient pour faire cesser les incidences négatives sur les droits humains et l’environnement identifiées en application du devoir de vigilance ou pour en remédier. D’autre part, les entreprises doivent publier un plan de transition climatique lequel doit être aligné sur une trajectoire 1,5°C et ce en accord avec les objectifs de l’Accord de Paris.

d. Une harmonisation maximale dans la transposition de la directive au sein des Etats membres

Dans sa résolution d’initiative en date du 10 mars 2021, le parlement justifiait la nécessité d’un acte européen en matière de due diligence par le fait que les normes volontaires de diligence raisonnable n’ont pas permis d’accomplir des progrès significatifs dans la prévention des atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement et dans l’accès à la justice. C’est en vue de se rassurer que l’étau est resserré pour les entreprises pour une véritable due diligence que le JURI a proposé une harmonisation maximale dans la transposition de la directive au sein des législations nationales, ce qui lui accorde une applicabilité proche à celle d’un règlement. Les Etats membres ne peuvent donc pas transposer des mesures moindres que ceux contenues dans la directive. Tout de même, ils peuvent prévoir d’aller au delà des obligations prévues par le texte du JURI.

2. Les améliorations attendues

Si le texte du JURI a rehaussé les standards du devoir de vigilance européen, il subsiste, selon les ONG et militants des droits humains et de l’environnement, encore des points d’amélioration qui devront être comblées par le prochain trilogue pour plus d’ambition dans son régime.

a. Revoir l’étendue du devoir de vigilance pour les institutions financières.

Si le devoir de vigilance selon le texte du JURI couvre désormais les institutions financières, il convient de noter que celui ci comporte des limites les concernant. D’abord , comme déjà mentionné, toutes les institutions financières ne sont pas couvertes par le texte. Pendant qu’il inclut les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels , il exclut en même temps les fonds de pension, les fonds d’investissements alternatifs, les opérateurs de marché et les agences de notation de crédit. Par ailleurs , le devoir de vigilance pour ces entités ne s’exercera que sur leurs opérations avec leurs clients directs bénéficiant des services financiers et de leurs filiales. Il en ressort que sont exclues du scope de la directive les activités des sous-traitants qui pourront être financés indirectement par les services financiers, notamment dans des secteurs comme le pétrole et le textile. Plusieurs organisations de la société civile dont Sherpa et ActionAid, appellent ainsi le parlement européen à reconsidérer l’étendue de la directive en ce qui concerne les acteurs des marchés financiers.

b. La nécessité d’un renversement de la charge de la preuve

Tout comme dans le texte du Conseil, le JURI a aussi maintenu la charge de la preuve aux plaignants et non sur les entreprises comme le réclamait les acteurs de la société civile. Néanmoins, il est laissé aux Etats membres la possibilité d’introduire un renversement de charge de la preuve s’ils le souhaitent.

Les étapes à venir

La prochaine étape dans la procédure législative consiste en l’adoption du texte en plénière. Une telle adoption est prévue se tenir le 01 juin 2023. C’est après cette adoption en plénière que commencera les négociations avec les Etats membres de l’UE pendant cet été. Les acquis engrangés par le texte du JURI sont ainsi suspendus à la condition de ne pas subir une importante revisitation dans le cadre de ces négociations à venir au vue des divergences de points de vue jusque là.

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Francois Thiombiano - Ksapa
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François travaille chez Ksapa en tant que consultant en développement durable. Il est aussi chargé de plaidoyer et de support juridique.

Ayant éprouvé très tôt un vif intérêt pour le développement durable, François a été amené à réaliser un Master en Human Rights and Multi-level Governance à l’Université de Padoue. Il est aussi titulaire d'un Master en Droit International Economique de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Passionnée par la thématique du développement durable, il aspire travailler à la construction d'une économie plus respectueuse des droits humains et de l'environnement.

François parle couramment le français, l’anglais, le gourmantché et le Moore.

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