Standards ESRS adoptés par la commission de l’UE. Ce qu’il faut savoir

Comme annoncé dans la directive CSRD de décembre 2022 , la commission européenne publiait le 09 Juin 2023 le premier projet de Règlement délégué portant sur la première série de standards de reporting extra-financier au niveau européen. Ces standards sont le fruit de travaux de l’EFRAG transmis à la commission le 22 Novembre 2023. Après y avoir apporté quelques modifications, la commission européenne les a finalement adoptés le 31 Juillet dernier. Les modifications apportées par la commission ont d’une part pour but d’alléger les exigences de reporting au profit des entreprises assujetties mais aussi d’assurer l’alignement avec d’autres standards existant à l’image des standard de l’ISBB.

Aperçu de la directive CSRD et des standards ESRS

Entreprises concernées

La directive (UE) 2022/2464 en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises(CSRD) a été adoptée en amendement de la directive 2014/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non-financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes (NFRD). Elle exige des grandes entreprises et des petites et moyennes entreprises (PME) cotées en bourse , ainsi que des sociétés mères des grands groupes, d’inclure dans une section spécifique de leur rapports de gestion les informations nécessaires pour comprendre l’impact de la société sur les questions de développement durable, et les informations nécessaires pour comprendre comment les questions de développement durable affectent le développement, la performance et la position de l’entreprise. Par ailleurs, elle modernise et renforce les règles relatives à la publication de ces informations. Publiée au JOF de l’Union Européenne le 16 décembre 2022 et en vigueur depuis le 5 Janvier 2023 , elle fera l’objet d’une mise en œuvre progressive jusqu’en 2028 selon la taille et le lieu d’établissement des entreprises. Le premier reporting est dû en 2025 et concerne les grandes entreprises européennes et non européennes actuellement soumises à la NFRD, et ce pour l’exercice 2024.

ESRS : Standards de reporting ESG normant le reporting extrafinancier attendu

La directive sur le reporting extra-financier doit être précisée par des actes délégués de la Commission. Ces actes délégués définiront les critères d’application des standards de reporting contenus dans la dite directive. Le premier Règlement délégué de la Commission complétant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne les normes de reporting a été adopté le 31 Juillet 2023. Il entrera en vigueur après sa publication au JOF de l’UE. Ce règlement délégué et ses annexes ainsi que les futures règlements délégués établissent des normes communes (ESRS) qui aideront les entreprises à communiquer et à gérer plus efficacement leurs performances en matière de durabilité et par conséquent, à avoir un meilleur accès au financement durable. Les normes européennes de reporting sur le développement durable (ESRS) devront être obligatoirement utilisées par les entreprises qui sont tenues par la directive comptable de communiquer certaines informations sur le développement durable. Ces normes communes ont été développées en se basant sur les avis techniques de l’EFRAG. Dans le développement de ces normes communes, l’EFRAG et la commission ont assuré un certain alignement des critères techniques de reporting de la CSRD d’avec les autres réglementations européennes notamment la SFDR (Sustainable Financial Disclosure Regulation) en ce qui concerne les indicateurs relatifs aux « principales incidences négatives » ou encore les indicateurs « taxonomy ».

Normes ESRS-CSRD et ISSB-IFRS : Complémentarité ou Rivalité ?

Comme mentionné plus haut, les normes ESRS sont des standards de reporting extrafinancier développés par la Commission Européenne en partenariat avec l’EFRAG et les autres parties prenantes de représentants de l’écosystème du reporting extra-financier européen. Il a vocation à servir de référentiel européen en matière de reporting de durabilité. Les ESRS sont de ce fait des standards relevant d’une initiative publique et pilotée par la Commission de l’Union Européenne. Quant à l’International Sustainability Standards Board (ISSB), il a été créé en 2021 lors de COP 26  par l’IFRS (International Financial Reporting Standards) Foundation. L’ISSB a été lancé pour répondre à la demande importante en ce qui concerne l’établissement de normes universelles en matière de présentation des informations sur le développement durable. Tandis que les ESRS-CSRD relève d’une initiative publique européenne, l’ISSB-IFRS sont une initiative privée internationale basée aux Etats-Unis (avec un siège en Allemagne pour se donner une dimension plus internationale toutefois). Jusqu’en 2021, l’IFRS était spécialisée dans le développement de normes internationales d’informations financières destinées à standardiser la présentation des données comptables échangées au niveau international. Désormais au sein de l’IFRS deux comités coexistent en matière de développement de standards. D’un coté, il y a l’IASB (International Accounting Standards Board) qui continue à développer les standards comptables, et de l’autre l’ISSB (International Sustainability Standards Board) qui a pour mission de développer les standards en matière de durabilité. En juin 2023, l’ISSB a publié ses deux premiers standards IFRS sur la publication d’informations ESG. Il s’agit des documents suivants :

D’autres projets de standards IFRS en matière de reporting ESG sont en cours. Il s’agit notamment de la :

Partant de sa légitimité en matière de standardisation comptable, l’IFRS a su rassembler un écosystème international crédible pour la normalisation des facteurs ESG. Par une telle quête de légitimité et d’influence sur le marché mondiale du reporting ESG, l’ISSB vise sans aucun doute à concurrencer les ESRS européens. D’abord l’ISSB et la CSRD fonctionnent selon deux philosophies très différentes.

  • En effet, tandis que l’ISSB est au service de l’investisseur , la CSRD se veut être au service de la société
  • Les standards ESRS sont reputés être centrés sur le principe de double matérialité tandis que les ISSB de l’IFRS sont basés sur le principe de la matérialité financière
  • Par ailleurs un autre point important de distinction entre les ESRS et les ISSB concerne les acteurs visés. Les ISSB ont pour ambition principale d’éclairer l’investisseur dans ses décisions ainsi qu’en matière d’évaluation du risque les ESRS poursuivent un but plus ambitieux et tranformateur de la société. A travers les ESRS, la commission européenne comme annoncé dans le plan de finance durable vise à assurer l’afflux des investissements privés pour assurer le financement de l’effort de lutte contre le changement climatique.

A priori les standards ISSB posséderaient un certain avantage comparatif par rapport aux ESRS. En effet, l’IFRS (ISSB) est largement connu et reconnue dans l’univers comptable à travers ses standards comptables, une rénommée qui facilite l’adoption de ses standards ESG. Mais il s’agit là d’une présomption discutable dans la mesure où il existe aujourd’hui un véritable enjeu juridique (greenwashing) et financier (application de mandats d’investissements) qui invitent à la robustesse dans l’analyse ESG. Cette double pression règlementaire et attendue par un nombre exponentiel de clients relativise l’avantage comparatif entre les standards ISSB et ESRS. Seuls les informations de mise en oeuvre du terrain nous en dira mieux.

Néanmoins les deux standards entendent se compléter les uns les autres. En effet l’une des modifications importantes apportées par la commission aux propositions de l’EFRAG a consisté à assurer un alignement des ESRS aux normes IFRSS notamment la norme concernant les General Disclosures. En effet, la Commission européenne dans la rédaction finale des standards ESRS s’est efforcée d’assurer une plus grande interopérabilité avec les cadres de reporting ESG existants. L’une des manifestations de cet effort d’interopérabilité se reflète dans l’architecture globale des ESRS qui est basée sur la TCFD (gouvernance, stratégie, gestion des risques et mesures et objectifs), architecture aussi reprise par les ISSB.

Le principe de double matérialité, pierre d’achoppement pour les entreprises ?

Les ESRS de l’EFRAG sont construits autour du principe fondamental de double matérialité. L’affirmation et l’octroi d’un caractère obligatoire au principe de double matérialité constitue l’une des inovations principales de la directive CSRD. La double matérialité constitue le mariage entre deux matérialités: la matérialité financière correspondant à la vision « Outside-In » et la matérialité d’impact correspondant à la vision « Inside-Out ». En définitive, le principe de double matérialité impose dans le cadre de la directive CSRD de rapporter d’une part sur les impacts positifs et négatifs issus de l’environnement ESG sur le développment, la performance et les résultats financiers de l’entreprise. D’autre part, celles ci doivent rapporter sur l’impact négatif et/ou positif de leurs activités sur l’environnement, la société. Selon l’ESRS 1 (European Sustainability Reporting Standard) « General Requirements », l’évaluation de la matérialité d’un impact négatif s’appuie sur le processus de diligence raisonnable en matière de durabilité défini dans les instruments internationaux que sont les Principes Directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.

Avec l’acte délégué publié le 31 juillet 2023, la Commission européenne a procédé à une généralisation de cette analyse de matérialité. En effet, désormais toutes les publications d’informations doivent faire l’objet d’une analyse de matérialité à l’exception des General Disclosures. Par ailleurs, la Commission a introduit une exigence d’explication pour les situations ou une entité considérerait un point comme étant non-matériel. Le recours au principe de double matérialité et sa généralisation par les ESRS constitue un point de distinction importante avec le cadre de reporting constitué par les standards de l’ISSB. En effet, le système de reporting porté par les normes ISSB de l’IFRS sont plus centré sur la matérialité financière. Les ISSB en pronant une matérialité simple et financière, ne prend en considération que les informations relatives aux impacts positifs et négatifs que l’environnement économique et social exerce sur la performance financière de l’entreprise. Cela fait 30 ans que l’ESG se développe autour de cette philosophie porté par l’ISSB, et cette philosophie n’a jamais démontré encourager le fléchage de l’investissement au service de la transition climatique. En tous cas, le GIEC n’en a pas vu le moindre impact dans ses rapports successifs !

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Au fil des décennies, Ksapa a développé une expertise ESG et des outils de nature à faciliter le respect des exigences de la nouvelle directive notamment en rapport avec le principe de double matérialité. En effet, Ksapa peut vous accompagner dans l’identification des enjeux ESG selon différents référentiels internationaux et d’aboutir à un reporting répondant à la fois aux exigences dans le cadre de la CSRD ainsi que des autres cadres de reporting notamment les ISSB et la SEC. En effet, le processus d’analyse de matérialité developpé par Ksapa consiste en une méthodologie intégrée permettant de cerner à la fois

  • les parties prenantes à risque internes et externes ,
  • les opérations sensibles
  • les segments de chaine de valeur à risque.

Par ailleurs la méthodologie de Ksapa facilite la construction d’une matrice de matérialité basée sur une analyse de données et permettant ainsi de révéler les informations demandées à la fois dans le cadre de la directive CSRD ainsi que les standards ISSB de l’IFRS et des autres cadres de reporting existant dans l’univers du reporting extra-financier. Contactez nous !

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François travaille chez Ksapa en tant que consultant en développement durable. Il est aussi chargé de plaidoyer et de support juridique.

Ayant éprouvé très tôt un vif intérêt pour le développement durable, François a été amené à réaliser un Master en Human Rights and Multi-level Governance à l’Université de Padoue. Il est aussi titulaire d'un Master en Droit International Economique de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Passionnée par la thématique du développement durable, il aspire travailler à la construction d'une économie plus respectueuse des droits humains et de l'environnement.

François parle couramment le français, l’anglais, le gourmantché et le Moore.

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