Dans notre écosystème, nous constatons que de nombreux clients sont soumis à la pression de devoir respecter le CSRD avant de clarifier leur stratégie RSE. Bien que le CSRD soit obligatoire et qu’elle aide les entreprises à 1/ clarifier les questions matérielles, 2/ divulguer les principes indiquant comment traiter ces questions matérielles, et 3/ prendre position sur la gouvernance et les ressources nécessaires pour traiter ces questions matérielles, la conformité ne doit pas prévaloir sur la stratégie. C’est bien au contraire avec une vision stratégique qu’il faut aborder la conformité CSRD et voici pourquoi.
Tout d’abord, on ne dirige pas une entreprise par la conformité. La conformité permet de clarifier le cadre et les règles du jeu pour que les entreprises puissent prospérer. Il en va de même pour le développement durable. Deuxièmement, on n’engage pas ses collègues et les parties prenantes dans des programmes de transformation par le biais de la conformité. Au contraire, travailler d’abord sur la stratégie permet de clarifier l’environnement de l’entreprise, les tendances du marché et les meilleures options pour tirer parti de la durabilité en s’attaquant aux risques et aux opportunités. Le résultat d’une double matérialité viendra plus tard pour renforcer les priorités et clarifier les leviers et les obstacles à prendre en compte dans la mise en œuvre de la stratégie. Travailler dans l’autre sens est voué à générer de la frustration et à gaspiller inutilement des ressources. La CSRD peut encourager l’exploration de plus de 1000 points de données, dont certains peuvent être plus pertinents que d’autres. La CSRD peut obliger à réfléchir dans le cadre d’un nombre limité de thèmes où chaque entreprise doit explorer la durabilité au-delà de son profil d’entreprise particulier.
Chez Ksapa, nous soutenons évidemment la CSRD – nous travaillons activement avec plusieurs clients sur des projets de double matérialité et sur les implications qui en découlent. Cependant, en travaillant sur le CSRD, nous encourageons également nos clients à penser stratégiquement pour naviguer dans la conformité, plutôt que l’inverse. Voici une brève explication.
Quelle est la différence entre la stratégie RSE et la conformité RSE?
La stratégie RSE et la conformité RSE sont deux concepts distincts mais interconnectés dans le cadre plus large de la gestion du développement durable.
1. Stratégie RSE
- Focus : La stratégie de durabilité implique une planification et une mise en œuvre proactives d’initiatives visant à relever les défis environnementaux, sociaux et économiques tout en répondant aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins.
- Objectif : L’objectif d’une stratégie RSE est de créer de la valeur à long terme pour l’organisation et ses parties prenantes en intégrant des pratiques durables dans ses activités principales.
- Approche : Les organisations élaborent des stratégies RSE pour stimuler l’innovation, réduire les coûts, gérer les risques, améliorer la réputation et capitaliser sur les opportunités de marché émergentes liées au développement durable.
2. Conformité en matière de RSE
- Focus: La conformité en matière de RSE, en revanche, fait référence au respect des réglementations, des normes et des lignes directrices liées aux questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).
- Objectif: L’objectif principal de la conformité en matière de RSE est de garantir que les organisations opèrent conformément aux lois, réglementations, normes industrielles et meilleures pratiques applicables dans des domaines tels que la protection de l’environnement, les pratiques de travail, les droits de l’homme et la conduite éthique des affaires.
- Approche: La conformité implique le contrôle et l’évaluation des activités, des processus et des produits de l’organisation afin de s’assurer qu’ils répondent aux exigences légales et aux normes industrielles. Il s’agit souvent de rendre compte des performances environnementales, sociales et de gouvernance, de réaliser des audits et de mettre en œuvre des actions correctives si nécessaire. La CSRD permet à cet effet de clarifier les règles de reporting ESG sur lesquelles les entreprises doivent rendre compte de leur compréhension et prise en compte de risques ESG.
En résumé, la stratégie RSE se concentre sur la poursuite proactive d’objectifs de durabilité alignés sur les valeurs et les objectifs de l’organisation, tandis que la conformité RSE garantit que l’organisation respecte ses obligations légales et éthiques en matière de durabilité. Bien qu’elles aient des priorités différentes, elles sont toutes deux des composantes essentielles d’une gestion efficace de la durabilité.
Pourquoi est-il intéressant de travailler sur la stratégie RSE avant d’aborder la question de la conformité CSRD ?
Il est intéressant de travailler sur la stratégie RSE avant d’aborder la question de la conformité pour plusieurs raisons :
- Alignement stratégique: L’élaboration d’une stratégie RSE permet à une organisation d’aligner ses efforts en matière de développement durable sur sa stratégie globale et ses objectifs à long terme. En commençant par identifier les objectifs et les priorités en matière de développement durable, l’organisation peut ensuite s’assurer que les efforts de mise en conformité sont stratégiquement intégrés dans sa mission et ses valeurs plus larges. La conduite d’une double matérialité vient alimenter ces réflexions certes, mais cette double matérialité portée par la CSRD vise avant tout un exercice de reporting. Rien n’oblige par contre une entreprise d’aligner sa stratégie sur cet exercice de reporting ne serait-ce que pour des raisons de confidentialité commerciale.
- Approche proactive: La stratégie RSE implique une approche proactive de l’identification et de la résolution des défis et des opportunités en matière de durabilité. En se concentrant d’abord sur la stratégie, les organisations peuvent anticiper les futures exigences réglementaires, les attentes des parties prenantes et les tendances du marché, ce qui leur permet de garder une longueur d’avance sur les obligations de conformité et d’acquérir éventuellement un avantage concurrentiel.
- Innovation et efficacité: L’élaboration d’une stratégie RSE implique souvent l’innovation et la mise en œuvre de nouveaux processus, technologies et modèles d’entreprise afin d’améliorer les performances environnementales et sociales. En donnant la priorité à la stratégie, les organisations peuvent explorer les possibilités de réduction des coûts, d’utilisation efficace des ressources et de génération de revenus grâce à des pratiques durables, ce qui peut au final rendre les efforts de mise en conformité plus efficaces et plus efficients.
- Engagement des parties prenantes: La stratégie RSE implique généralement de s’engager auprès des parties prenantes, notamment les employés, les clients, les investisseurs et les communautés, afin de comprendre leurs préoccupations et leurs attentes en matière de développement durable. En associant les parties prenantes à l’élaboration de la stratégie, les organisations peuvent susciter le soutien et l’engagement en faveur des initiatives de développement durable, ce qui rend les efforts de mise en conformité plus fructueux à long terme. La CSRD recommande mais n’impose pas l’engagement de parties prenantes par ailleurs.
- Gestion des risques: La gestion des risques liés au développement durable est un aspect fondamental de la stratégie RSE. En procédant à des évaluations complètes des risques et en élaborant des plans d’atténuation dans le cadre de la stratégie, les organisations peuvent gérer de manière proactive les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance, en réduisant la probabilité de non-conformité et les impacts négatifs associés sur la réputation, les finances et les opérations.
De manière générale, le fait de travailler sur la stratégie RSE avant d’aborder la question de la conformité aide les organisations à établir une base solide pour leurs efforts en matière de développement durable, en veillant à ce que les activités de conformité soient intégrées dans des objectifs stratégiques plus larges et alignées sur les attentes des parties prenantes, tout en favorisant l’innovation, l’efficacité et la gestion des risques.
Quels sont les risques liés à l’élaboration d’une stratégie RSE avant la mise en conformité CSRD ?
Bien qu’il y ait plusieurs avantages à travailler sur la stratégie RSE avant d’aborder la conformité à la durabilité, cette approche comporte également des risques à appréhender dans le contexte de pression à la conformité CSRD :
- Non-conformité: Se concentrer uniquement sur la stratégie RSE sans tenir compte des exigences de conformité peut conduire à négliger ou à sous-estimer les obligations légales et les contraintes réglementaires. Cela peut conduire à une non-conformité involontaire aux réglementations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), exposant l’organisation à des responsabilités juridiques, des amendes et des atteintes à la réputation.
- Atteinte à la réputation: Si les parties prenantes ont l’impression que les efforts d’une organisation en matière de développement durable sont principalement axés sur la stratégie sans actions tangibles pour garantir la conformité, cela peut susciter le scepticisme, la critique et une détérioration de la réputation. Cela peut éroder la confiance des clients, des investisseurs, des employés et des communautés, ce qui nuit à la crédibilité de l’organisation et à ses objectifs de développement durable à long terme.
- Risques financiers: Ignorer les exigences de conformité au profit de la poursuite d’une stratégie RSE peut entraîner des coûts inattendus liés aux amendes, aux pénalités, aux frais de justice et aux efforts de remédiation pour résoudre les problèmes de non-conformité. L’absence de gestion adéquate des risques de conformité peut également avoir un impact sur l’accès au capital, les primes d’assurance et les opportunités d’investissement, affectant ainsi les performances financières et la stabilité de l’organisation.
- Perturbations opérationnelles: Le non-respect des exigences réglementaires peut perturber les activités de l’entreprise, entraînant des retards de production, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, l’annulation de projets et des interventions réglementaires. Il peut en résulter une perte de productivité, de revenus et de parts de marché, ainsi qu’une détérioration des relations avec les fournisseurs, les clients et les partenaires.
- Perte de confiance des parties prenantes: Les parties prenantes, notamment les clients, les investisseurs, les employés et les communautés, attendent des organisations qu’elles fassent preuve d’un engagement en faveur du développement durable par le biais d’initiatives stratégiques et du respect des lois et réglementations en vigueur. Le non-respect des obligations de conformité peut saper la confiance des parties prenantes dans la capacité de l’organisation à gérer efficacement les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance, entraînant une surveillance accrue, un activisme et une réaction négative de la part des parties prenantes.
- Opportunités manquées: Le fait de retarder les efforts de mise en conformité tout en se concentrant sur la stratégie RSE peut amener les organisations à manquer des opportunités de tirer parti du développement durable comme source d’avantage concurrentiel. La conformité aux normes et réglementations ESG peut ouvrir les portes de nouveaux marchés, attirer des investisseurs socialement responsables, améliorer la réputation de la marque et favoriser l’innovation, autant d’éléments qui contribuent à la réussite à long terme de l’entreprise.
En résumé, si le fait de travailler sur la stratégie RSE avant d’aborder la question de la conformité CSRD peut offrir des avantages stratégiques, les organisations doivent soigneusement équilibrer leurs aspirations en matière de développement durable avec leurs obligations légales et réglementaires afin d’atténuer les risques associés à la non-conformité. L’intégration des questions de conformité dans le processus de planification stratégique peut aider les organisations à gérer efficacement les risques liés au développement durable et à atteindre leurs objectifs en la matière tout en restant en conformité avec les lois et réglementations en vigueur. La CSRD met l’accent sur la gouvernance et les ressources à prévoir pour faire face aux risques. Lorsque la stratégie est clarifiée en premier lieu, l’alignement et l’analyse de la situation sont plus efficaces pour faire des compromis et fournir des ressources adéquates lorsque la stratégie est à l’origine de la conformité. Et non l’inverse.
Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.