La série des COP a atteint une phase terminale d’efficacité. La COP 28 se prépare dans un climat de boycott et de méfiance. Le processus a permis d’obtenir des résultats. Il est désormais dépassé. Aucun gouvernement n’arrive non plus à la COP avec un plan sérieux pour relever les défis. La procrastination a assez duré. C’est maintenant aux autorités locales, à la société civile et aux entreprises de prendre le relais et de montrer la voie. Examinons le rôle que l’on attend désormais des conseils d’administration sur les questions climatiques.
Pourquoi la série de COP a atteint une phase terminale d’efficacité?
J’ai eu la chance de participer à plusieurs COP. J’ai été déçu lors de la COP 15. J’ai connu l’extase des avancées historiques à la COP 21. J’ai vécu la COP 26 avec le sentiment que, finalement, tout le monde faisait semblant de faire quelque chose. Nous avons décliné l’invitation de participer à COP 28 à plusieurs reprises. Puis nous avons finalement conclu que nous serions présents parce que nous voulons encourager l’action climatique avec un grand nombre de nos parties prenantes qui participent également à la COP 28. Nous participons donc sans être dupes donc: la manièrere dont la COP 28 se prépare pour les négociations formelles sur le climat reste un sujet de préoccupation. En tout cas, je considère désormais que les COP sont devenues globalement contre productives.
Le processus climatique de la COP (Conférence des Parties), établi en vertu de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), est confronté à plusieurs défis structurels qui entravent l’efficacité de l’action climatique mondiale.
- Un échec notable est la lutte persistante pour obtenir des engagements contraignants et ambitieux de réduction des émissions de la part des principaux émetteurs. Malgré le consensus scientifique sur la nécessité urgente de limiter le réchauffement climatique, les négociations achoppent souvent en raison d’intérêts nationaux contradictoires, de préoccupations économiques et de tensions géopolitiques.
- Un autre problème crucial est l’insuffisance des engagements financiers pour soutenir les efforts d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, en particulier pour les pays en développement. La mobilisation promise de 100 milliards de dollars par an par les pays développés pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique n’a pas été tenue, depuis désormais plus de 10 ans, ce qui a empêché la mise en œuvre de projets cruciaux et entravé la transition mondiale vers une économie à faible émission de carbone.
- En outre, le processus de la COP se heurte à la difficulté d’appliquer et de contrôler les engagements pris par les pays participants. L’absence de mécanismes solides pour garantir la transparence et la responsabilité nuit à la crédibilité de l’ensemble du régime climatique. En outre, le rythme des négociations et de la prise de décision est souvent en retard par rapport à l’escalade rapide des impacts climatiques, ce qui rend le processus insuffisamment réactif face à l’évolution de la crise climatique.
Pour remédier à ces échecs, il faut une volonté politique collective, une coopération renforcée et un engagement à donner la priorité au bien commun plutôt qu’aux intérêts nationaux. Le processus de la COP sur le climat doit évoluer pour répondre efficacement à l’escalade de l’urgence climatique et assurer un avenir durable à la planète. Mais pour la COP 28 se tiendra à la fin du mois. 4 priorités ont été définies. Elles sont toutes essentielles. Mais on ne peut s’attendre à aucune avancée décisive lors de la COP 28. Il n’y aura pas de leadership.
Une approche tripartite impliquant les territoires, la société civile et les entreprises est désormais essentielle pour une réponse holistique et efficace à la crise climatique
Aucun gouvernement ne propose un programme climatique ni à la hauteur des enjeux, ni à la hauteur de ses propres engagements pris lors des COP précédentes. Ce maillon est discrédité en matière d’action climatique. L’action critique se situe donc désormais à un niveau plus granulaire. Les territoires, la société civile et les entreprises jouent donc tous un rôle central dans l’avancement de l’action climatique. Les gouvernements locaux et régionaux, qui englobent les territoires, ont le pouvoir de mettre en œuvre et d’appliquer des politiques climatiques adaptées à leurs contextes uniques.
- Les territoires. En investissant dans les énergies renouvelables, l’agriculture, les infrastructures durables et la planification urbaine résiliente, les territoires peuvent contribuer de manière significative à la réduction des émissions et à la résilience climatique.
- La société civile joue un rôle de catalyseur du changement en sensibilisant l’opinion, en préconisant des réformes politiques et en demandant des comptes aux gouvernements et aux entreprises. Les mouvements populaires, les ONG et les organisations communautaires jouent un rôle essentiel dans la promotion des pratiques durables, en influençant l’opinion publique et en encourageant le sens de la responsabilité environnementale.
- Les entreprises exercent une influence considérable sur l’économie mondiale et peuvent mener des actions en faveur du climat grâce à des pratiques commerciales durables. L’adoption de technologies respectueuses de l’environnement, l’engagement en faveur de la neutralité carbone et l’intégration des principes de l’économie circulaire dans les opérations sont autant de moyens pour les entreprises de contribuer à l’action. La collaboration entre les entreprises, les gouvernements et la société civile peut déboucher sur des solutions innovantes et une responsabilité partagée.
Dans l’ensemble, une approche tripartite impliquant les territoires, la société civile et les entreprises est essentielle pour apporter une réponse globale et efficace à la crise climatique et favoriser un avenir durable qui concilie la prospérité économique et la gestion de l’environnement.
Leadership climatique attendu des Conseils d’Administration à cet effet
Les conseils d’administration jouent un rôle essentiel dans la supervision de l’approche d’une entreprise en matière de biodiversité et de climat. Compte tenu de l’importance croissante de ces questions dans le monde des affaires, un contrôle efficace est vital pour la durabilité et la réussite à long terme d’une entreprise. Voici plusieurs étapes et pratiques que les conseils d’administration peuvent mettre en œuvre pour superviser correctement les questions liées à la biodiversité et au climat :
- Éducation et formation : Veiller à ce que les membres du conseil d’administration reçoivent une éducation et une formation adéquates sur les risques, les opportunités et les meilleures pratiques liés à la biodiversité et au climat. Il peut s’agir de séminaires, d’ateliers ou de la participation d’experts qui apporteront leur point de vue et leurs connaissances.
- Intégration dans la stratégie : Intégrer les considérations relatives à la biodiversité et au climat dans la stratégie globale de l’entreprise, ses plans d’affaires et ses processus de gestion des risques. Alignez ces considérations sur la mission, la vision et les valeurs de l’entreprise.
- Nomination d’experts : Envisager de nommer un membre du conseil d’administration ou de créer un comité spécialisé dans la biodiversité, la science du climat ou le développement durable. Cette personne ou ce comité peut fournir des conseils et une supervision spécialisés sur ces questions.
- Fixer des objectifs et des cibles clairs : Fixer des objectifs mesurables et limités dans le temps en ce qui concerne les questions de biodiversité et de climat. Ces objectifs doivent s’aligner sur des cadres mondiaux tels que les objectifs de développement durable (ODD) et les objectifs scientifiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
- Rapports et suivi réguliers : Exiger de la direction qu’elle fournisse régulièrement des rapports détaillés sur les progrès réalisés par l’entreprise pour atteindre les objectifs liés à la biodiversité et au climat. Surveillez les performances par rapport aux objectifs fixés et tenez la direction responsable de la réalisation de ces objectifs.
- Engagement avec les parties prenantes : Encourager un engagement significatif avec les parties prenantes, y compris les actionnaires, les clients, les fournisseurs et les communautés. Tenir compte de leur point de vue et de leur contribution lors de la prise de décisions relatives à la biodiversité et au climat.
- Prendre en compte les chaînes d’approvisionnement et les opérations : Évaluer les impacts de la chaîne d’approvisionnement et des opérations de l’entreprise sur la biodiversité et le climat. Encouragez les pratiques d’approvisionnement, de production et de distribution durables afin de minimiser les impacts négatifs.
- Évaluation et gestion des risques : Mener des évaluations complètes des risques afin d’identifier et d’évaluer les risques liés à la biodiversité et au climat. Élaborer des stratégies de gestion des risques appropriées afin d’atténuer ces risques et de saisir les occasions de mettre en place des pratiques commerciales durables.
- Incitation à la durabilité : Lier la rémunération des cadres et des employés aux performances de l’entreprise en matière de durabilité, y compris celles liées à la biodiversité et au climat. Cela incite les individus au sein de l’organisation à donner la priorité aux efforts de développement durable et à y contribuer.
- Défense des intérêts et collaboration avec l’industrie : Encourager l’entreprise à plaider activement en faveur de politiques et de réglementations solides qui favorisent la conservation de la biodiversité et l’action en faveur du climat. Collaborez avec les associations industrielles pour stimuler les efforts collectifs en faveur de la durabilité.
- Transparence et divulgation : Plaider en faveur de la transparence et d’une divulgation claire des impacts environnementaux de l’entreprise, de ses initiatives et de ses progrès en matière de biodiversité et de climat. Veiller à ce que les parties prenantes aient accès à des informations précises et opportunes.
- Évaluations régulières du conseil d’administration : Procéder à des évaluations périodiques de l’efficacité du conseil d’administration dans la supervision des questions liées à la biodiversité et au climat. Utiliser les connaissances acquises pour améliorer en permanence les processus de gouvernance.
En mettant en œuvre ces mesures et pratiques, les conseils d’administration peuvent efficacement prendre l’initiative de superviser les questions relatives à la biodiversité et au climat, en veillant à ce que leurs organisations soient proactives et responsables face à ces défis cruciaux, dans une action engagée sur les territoires sur lesquels opèrent les actifs.
Conclusions
Le leadership mondial qui pilote l’action climatique n’est pas confronté à un environnement géopolitique propice. Les crises internationales telles que la guerre en Ukraine ou le récent rapprochement entre la Russie et la Corée du Nord restent des sources d’inquiétude majeures. Les rivalités posées par le duel États-Unis-Chine génèrent une myriade de conséquences stratégiques et opérationnelles pour les entreprises américaines, chinoises et européennes. Face à cette imprévisibilité croissante, la nécessité de renforcer les compétences des conseils d’administration en matière environnementale et sociale est plus que jamais d’actualité. Il s’agit d’un impératif stratégique autant que d’une question de conformité réglementaire.
Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.