Le changement climatique vient dynamiter un urbanisme mal pensé

Le changement climatique vient dynamiter un urbanisme mal pensé

Les inondations dévastatrices survenues un peu partout en Europe ces récentes années (Allemagne, Angleterre, France, Espagne…) ont mis en évidence les impacts accrus du réchauffement climatique et des pratiques urbanistiques sur les catastrophes naturelles. En Espagne à Valence par exemple, un épisode météorologique, appelé « goutte froide », a provoqué des précipitations d’une intensité sans précédent, causant des pertes humaines et des dégâts matériels importants. La hausse continue des températures de la mer Méditerranée et l’urbanisation massive des zones inondables ont contribué à cette catastrophe. Pour comprendre la gravité croissante de ces événements, il est nécessaire d’explorer les effets du réchauffement de la Méditerranée, les conséquences de l’urbanisation des zones à risques, et les stratégies d’adaptation face à ces événements qui, selon les experts, vont se multiplier et s’intensifier.

Les effets du réchauffement des mers et des océans

Le réchauffement climatique entraîne une hausse de la température des mers et des océans. Valence a été marqué par la hausse de températures de la mer Méditerranée, qui a atteint des niveaux records durant l’été. Ce phénomène a des répercussions directes sur les conditions atmosphériques et contribue à des épisodes de précipitations extrêmes. En effet, lorsque la Méditerranée par exemple se réchauffe, elle libère davantage de vapeur d’eau dans l’atmosphère. L’air plus chaud et chargé d’humidité forme ainsi un réservoir d’eau prêt à être libéré sous forme de pluie intense lorsqu’il rencontre des masses d’air froid, comme ce fut le cas lors de la récente « goutte froide » qui a frappé Valence.

Le phénomène de « goutte froide » est typique de la région méditerranéenne et survient lorsque de l’air chaud et humide provenant de la Méditerranée rencontre une dépression isolée à haute altitude, apportant des masses d’air froid du pôle Nord. Ce choc thermique provoque des précipitations intenses, amplifiées par le réchauffement global qui augmente la quantité d’eau disponible dans l’air. Lors de cet épisode particulier, près de 500 litres de pluie par mètre carré se sont abattus en huit heures, soit l’équivalent d’une année de précipitations, causant des inondations instantanées et d’importantes destructions. Ces événements sont d’autant plus préoccupants qu’ils tendent à se multiplier et à devenir plus violents avec l’augmentation continue des températures.

Urbanisation et vulnérabilité des zones inondables

L’urbanisation des zones inondables aggrave les conséquences de ces événements météorologiques extrêmes. Depuis les années 1950 et 1960, l’Europe a connu une croissance rapide de ses infrastructures dans les zones fluviales et côtières, y compris dans les plaines inondables. Cela a été encouragé par un sentiment de sécurité basé sur la construction de barrages et d’autres infrastructures hydrauliques, qui visaient à réguler les crues. Cependant, cette approche a souvent été insuffisante, comme l’ont montré les récentes inondations, face à des épisodes de pluies extrêmes.

La perte de perméabilité des sols causée par l’urbanisation excessive empêche l’absorption naturelle de l’eau de pluie, intensifiant les crues. Dans des conditions naturelles, les sols et les plaines inondables absorbent une grande partie de l’eau, réduisant ainsi le risque de débordement des cours d’eau. Or, la bétonisation et l’absence de canaux naturels d’évacuation ont augmenté la vulnérabilité des zones habitées face aux inondations. Les barrages, tout comme les canaux naturels de drainage, ne peuvent pas contenir des volumes d’eau aussi importants que ceux enregistrés subitement, ce qui exacerbe les risques de destruction dans les zones urbanisées de manière imprudente. Ainsi de nombreuses zones a priori sans risque deviennent d’un coup vulnérables et innondables.

L’absence de mesures de prévention efficaces pour ces zones désormais à considérer comme inondables, et une urbanisation mal planifiée, rendent ces zones particulièrement vulnérables, avec des conséquences dramatiques sur les habitants et sur les infrastructures. Ce modèle de développement urbain et périurbain a contribué à ces catastrophes un peu partout en Europe. Il est urgent de réévaluer la gestion de l’espace pour limiter les impacts de ces inondations.

Vers une adaptation nécessaire et une cohabitation durable avec la nature

La répétition de ces épisodes extrêmes appelle à une adaptation des stratégies de gestion du territoire et de protection des populations. La seule manière d’éviter des pertes humaines et économiques récurrentes semble être une redéfinition des zones à risque, une refonte des politiques d’aménagement de ces zones à risques, et l’adoption de mesures d’adaptation au changement climatique. Compte tenu des bilans dramatiques de ces innondations subites, il faut désormais envisager sérieusement notamment la relocalisation de centaines de millions d’habitants vivant dans les zones inondables et la restauration des capacités naturelles des sols à absorber l’eau sur ces territoires.

Cette approche suppose d’investir des ressources pour indemniser les habitants de ces zones, leur fournir un logement sûr ailleurs et réaménager les terres de manière durable, en tenant compte des capacités naturelles d’absorption des sols et des risques de crues. Il ne s’agit pas d’admettre une « défaite » face à la nature, mais de chercher à vivre en harmonie avec elle. Elle est de toute façon trop forte et on ne pourra pas la combatre autrement. La réorganisation des espaces urbains devient ainsi essentielle pour limiter les dégâts matériels et protéger les vies humaines dans un contexte de changement climatique, qui ne cesse de générer des conditions météorologiques imprévisibles.

En outre, une coopération internationale pourrait également être bénéfique, notamment en matière de prévisions et de réponses aux catastrophes. En Europe, dans les différentes régions récemment touchées par des inondations, des programmes de sensibilisation et de prévention peuvent être mis en place pour renforcer la résilience des populations face à ces événements. Enfin, une transition vers des infrastructures plus résilientes et respectueuses de l’environnement, avec des solutions naturelles pour la gestion des crues, pourrait permettre de mieux faire face à la multiplication attendue de ces épisodes extrêmes.

Conclusion

Le changement climatique est une bonne excuse collective pour occulter les responsabilités collectives liées à l’aménagement des territoires. Pendant longtemps, le changement climatique était sous estimé, alors que les scientifiques du GIEC pointent depuis 30 ans, rapport après rapport que ces phénomènes de fortes précisipations subites est tout à fait prévisible. Maintenant que les dégâts sont là, on peut charger le changement climatique de toutes les responsabilités.

La réalité est plus complexe. Les dégats de telles innondations sont le résultat d’une combinaison explosive entre le réchauffement de la mer Méditerranée et une urbanisation mal adaptée. Alors que le changement climatique rend les événements météorologiques extrêmes plus fréquents et violents, la vulnérabilité des zones habitées continue de croître en raison de l’absence de stratégies de prévention adéquates.

Pour limiter les pertes humaines et économiques, il devient impératif de repenser les politiques d’aménagement du territoire en adoptant une approche durable et en prenant en compte les risques naturels. Une adaptation urgente est nécessaire pour cohabiter avec la nature dans un contexte de bouleversements climatiques, et cela exigera des investissements importants et une coordination au niveau local et international.

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Photo de Don Lodge sur Unsplash libre de droits

Farid Baddache auteur de ce blog sur les thématique de résilience, d'impact et d'inclusion
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Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.

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