Rôle des Conseils d’Administration à l’ère de la CSRD

La CSRD étend la responsabilité collective des organes d’administration, de direction et de surveillance en matière d’états financiers et de rapport de gestion aux informations ESG qui y sont contenues et tirées du travail de double matérialité. L’écoute de témoignages d’administrateurs de grands groupes européens éligibles à la CSRD comme Axa, Rexel, ou Engie permet de confirmer différentes bonnes pratiques déjà partagées dans ce blog au travers de différents articles. Tour d’horizon d’entreprises qui travaillent avec Ksapa sur certaines thématiques avancées ci-dessous.

Role du conseil d’administration à l’ère de la CSRD

Le conseil d’administration est chargé de superviser la gestion d’une organisation, y compris la prise de décisions stratégiques, la surveillance des performances, la sélection et la supervision des dirigeants, et la garantie de la conformité réglementaire. Il représente les actionnaires et vise à maximiser la valeur à long terme de l’entreprise. Le conseil d’administration joue un rôle essentiel dans la prise en compte des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Il doit établir des politiques, superviser les risques et les opportunités liés à l’ESG, intégrer ces considérations dans la stratégie globale de l’entreprise et assurer la transparence et la responsabilité envers les parties prenantes. Toutefois, peu de conseils se saisissent finalement naturellement de ces sujets pour différentes raisons touchant par exemple à la priorisation d’autres sujets, manque de diversité assurant une hétérogénéité complémentaire de compétences dans le conseil couvrant notamment de l’expertise ESG, une insuffisance d’injonctions réglementaires sur ces questions que vient corriger la CSRD.

La CSRD en effet impose aux entreprises éligibles – plus de 50,000 à terme au travers de l’Union Européenne dont nombre de PME – d’opérer une démarche largement guidée par l’EFRAG et assurant étape par étape et de manière simplifiée ici :

  1. L’identification de thématiques produits par une double matérialité permettant à l’entreprise – dont le conseil d’administration – d’appréhender les sujets ESG susceptibles d’impacter la bonne conduite de ses affaires et la protection des actifs (matérialité financière) autant que d’appréhender les sujets ESG pour lesquels la conduite des affaires est susceptible d’impacter la société au sens large (matérialité d’impact). C’est l’ensemble de ces thématiques qui doit constituer le socle sur lequel organiser la stratégie, les plans d’action, et le reporting ESG en conséquence
  2. La CSRD insiste très fortement dans son application sur la gouvernance et les moyens mis en oeuvre pour assurer la bonne prise en compte des thématiques ESG issues de la double matérialité

Ainsi, les entreprises sont conduites à repenser leur modèle de gouvernance et leur stratégie à l’aune de la durabilité à l’ère de la CSRD. Cette question est également au cœur de la mise en oeuvre de la directive européenne CS3D.

Bonnes pratiques identifiées

En réponse, le conseil d’administration est amené à se saisir de ces sujets. Un ensemble d’actions sont attendues de sa part. Certaines bonnes pratiques simples commencent toutefois à se généraliser ou pour le moins devenir de bonnes approches.

Organisation et animation interne

  1. Compréhension de la double matérialité. Il convient de s’assurer que le conseil d’administration comprenne bien les logiques de matérialité financière et matérialité d’impact qui composent toutes les deux le socle sur lequel la gouvernance est attendue, tout autant que l’appui stratégique voire l’implication opérationnelle des administrateurs le cas échéant. Sur cette base, il convient ensuite d’assurer la bonne compréhension des différents sujets ESG identifiés dans cette double matérialité pour les actifs considérés.
  2. Formation aux sujets clés tirés de la double matérialité. Il convient d’animer des formations – des formats de 2 voire 4 heures peuvent s’avérer indispensables – pour assurer la bonne compréhension de thématiques clés portées par la double matérialité : définition, standards et attendus réglementaires, bonnes pratiques, implications pour la société administrée (objectifs, plans d’action, animation, moyens). Des sujets comme le climat, les ressources naturelles, la biodiversité, le devoir de vigilance deviennent des incontournables. L’enjeu assurant la réussite de ces formations revient à trouver la bonne calibration assurant de conserver une hauteur sur ces sujets tout en étant ancré dans les implications stratégiques et opérationnelles concrètes des actifs administrés.
  3. Animation de réseaux de directeurs généraux et comités exécutifs. Afin d’aligner les organes de décision, il convient d’organiser des réseaux assurant des réunions régulières – mensuelles voire trimestrielles – coordonnant l’action ou assurant le partage de bonnes pratiques ou la mutualisation de moyens dans l’animation et exécution de plans d’actions. Des administrateurs de fonds encouragent même ce type de format dans l’animation de différentes sociétés en portefeuille donc cette pratique ne se cantonne pas forcément aux simples maillons de management au sein d’une même entreprise.
  4. Animation de réseaux de directeurs achats. Compte tenu du rôle critique joué par les achats dans l’animation de différents aspects d’un plan d’action ESG, il convient là aussi d’encourager et superviser une coordination similaire concernant les achats. Dans les questions climatiques ou portées par le devoir de vigilance par exemple, les fonctions achats jouent un rôle critique.
  5. Mesure et indicateurs. La CSRD étant avant tout une démarche de reporting ESG, il convient enfin d’en décliner différents indicateurs calibrés selon les utilisateurs, mais incluant les membres du conseil d’administration dans un même cadre de suivi et de performance et d’analyse que les maillons exécutifs.

Organisation et animation vis-à-vis de parties prenantes externe

  1. Composition du conseil d’administration. On constate une faible diversité dans les profils composant les conseils d’administration. Parfois même les mêmes profils évoluant au travers de multiples conseils. A l’aune des conclusions thématiques portées par le travail de double matérialité, il convient d’auditer les expertises et réseaux et profiter de renouvellements pour chasser des profils susceptibles d’enrichir la capacité du conseil à s’approprier les sujets, activer les bons réseaux externes dans l’alimentation de réflexions stratégiques et opérationnelles.
  2. Comité de parties prenantes. Certaines sociétés mettent en place un comité de parties prenantes. Non décisionnaire, il permet d’échanger régulièrement avec un collectif externe avec un bon degré de confidentialité et de la continuité dans les échanges. Avant de foncer sur des poncifs (« il faut des ONG »), il convient là aussi de partir de la double matérialité, auditer les sujets sensibles ou complexes sur lesquels pouvoir se reposer sur ce type de comité, pour identifier le type d’expertise et d’organisations intéressantes à inviter dans ces formats. La participation régulière des membres du conseil d’administration est essentielle pour assure le bon alignement dans la gouvernance interne. Le rendu compte auprès de ce comité de la manière dont les organes de gouvernances appréhende les sujets et prennent en compte (ou pas) les recommandations portées par ces comités est absolument essentielle au risque sinon de créer de la frustration voire des situations conflictuelles. Outre la structuration de comité, rien n’empêche en complément, ou à la place, d’organiser des échanges avec des parties prenantes ad hoc par ailleurs.
  3. L’inclusion des administrateurs lors de rencontre avec investisseurs et actionnaires sur les questions ESG est enfin indispensable. Cela permet de bien assurer l’alignement avec les partenaires financiers sur les questions ESG en matière de prise de décisions stratégiques, surveillance des performances, sélection et supervision des dirigeants.

Freins de mise en oeuvre identifiés, et pistes de solution

La CSRD et l’exploitation d’une double matérialité peut rapidement révéler son lot d’injonctions contradictoires, dans un contexte de sujets portés par les conseils d’administration déjà très chargé par d’autres considérations. En considérant l’application des bonnes pratiques identifiées déjà pour lever différents freins – formation par exemple – il reste au moins deux freins qui sont des incontournables à anticiper et gérer:

  1. Méconnaissance et scepticisme. La question régulière revient sans arrêt sur tous les sujets ESG. Jusqu’où prendre des responsabilités et porter des investissements dans l’effort climatique? Le devoir de vigilance ne charge-t-il pas trop l’entreprise là où la chaîne de valeur doit jouer un rôle essentiel…
  2. Divergence de point de vue avec les investisseurs et asset managers. Par facilité, nombre d’administrateurs aiment réduire ce problème à des divergences réelles observées tout particulièrement avec certains acteurs américains. C’est un peu facile car nombre d’acteurs financiers européens, asiatiques ou autres n’intègrent pas les considérations ESG dans leurs réflexions.

Au final, ces types de freins invitent tout simplement les administrateurs à jouer un rôle critique et stratégique pour porter le business case le plus limpide possible : créer de la valeur, gérer des risques. La promotion de l’économie circulaire permet de mieux protéger les actifs dans leur accès à des ressources naturelles. La prise en compte des questions d’eau dans des opérations observant du stress hydrique exacerbé par le changement climatique est un élément de continuité des opérations. La prise en charge proactive du devoir de vigilance est un outil de gestion de crises.

Conclusion

A l’ère de la CSRD, le conseil d’administration voit son rôle renforcé dans un dispositif de gouvernance toujours plus comptable de la bonne prise en compte des sujets ESG identifiés dans la double matérialioté, et de la bonne adaptation des actifs en conséquence. Ksapa travaille sur ces questions et reste un partenaire d’expérience et de réseau susceptible de vous accompagner dans ces réflexions de gouvernance.

Image d’illustration par yanalya sur Freepik

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Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.

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