La perspective de genre appliquée aux chaînes d’approvisionnement en produits agricoles

Dans le cadre de notre série de dîners londoniens, nous avons eu une excellente discussion en avril sur le rôle des considérations de genre dans la chaîne d’approvisionnement agricole. Notre dernier dîner a réuni un groupe de décideurs et de praticiens inspirants issus du monde de l’entreprise (Diageo, Barclays) et du secteur non lucratif (Care, Cherie Blair Foundation for Women, Better Cotton, Producers Direct). Notre réunion a été l’occasion de se détendre et d’explorer les défis, les idées et les solutions qui ont un impact sur la réalisation de l’objectif 5 (égalité des sexes) dans les chaînes de valeur des petits exploitants.

Une perspective de genre appliquée aux chaînes d’approvisionnement en produits agricoles implique de prendre en compte les rôles, les besoins et les contributions des hommes et des femmes tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Elle reconnaît qu’il existe des inégalités et des différences entre les sexes et qu’elles peuvent avoir un impact significatif sur le secteur agricole et la dynamique de la chaîne d’approvisionnement. L’application d’une perspective de genre vise à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, à renforcer l’autonomie des femmes et à améliorer la durabilité globale et l’inclusivité des chaînes d’approvisionnement en produits agricoles. Voici quelques aspects clés d’une perspective de genre dans ce contexte :

  1. Rôles des hommes et des femmes et division du travail : Il est essentiel de comprendre les différents rôles et responsabilités des hommes et des femmes dans la production agricole et les chaînes d’approvisionnement. Il s’agit de reconnaître les tâches, les compétences et les connaissances spécifiques que chaque sexe apporte généralement. Par exemple, les femmes jouent souvent un rôle crucial dans des activités telles que la transformation des aliments, la manutention après récolte et la commercialisation, tandis que les hommes peuvent être plus impliqués dans la production primaire ou les rôles décisionnels.
  2. Accès aux ressources et aux services : Une perspective de genre met en évidence les disparités dans l’accès aux ressources productives, y compris la terre, le crédit, les intrants et la technologie. Elle vise à identifier et à lever les obstacles auxquels les femmes sont confrontées dans l’accès à ces ressources et services, ce qui peut limiter leur participation et leur productivité dans les chaînes d’approvisionnement en produits agricoles. Des efforts sont déployés pour promouvoir l’égalité d’accès et créer des environnements favorables à l’esprit d’entreprise et au leadership des femmes.
  3. Revenus et autonomisation économique : Les perspectives de genre reconnaissent les disparités de revenus entre les hommes et les femmes le long des chaînes d’approvisionnement en produits agricoles. Les femmes sont souvent confrontées à des difficultés pour gagner un revenu équitable, recevoir des prix justes pour leurs produits et accéder aux marchés. La promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes passe par des initiatives visant à renforcer l’autonomie économique des femmes, telles que la formation, la facilitation de l’accès aux marchés et le soutien à l’esprit d’entreprise des femmes.
  4. Conditions de travail et droits : Il est essentiel de prendre en compte les aspects sexo-spécifiques des conditions de travail et des droits. Il s’agit notamment d’aborder des questions telles que l’inégalité des salaires, les risques en matière de santé et de sécurité au travail et la reconnaissance du travail de soins non rémunéré des femmes dans les zones rurales. Des efforts sont faits pour s’assurer que les hommes et les femmes de la chaîne d’approvisionnement ont accès à des conditions de travail équitables et sûres, à une protection sociale et à une représentation dans les processus de prise de décision.
  5. Valeur ajoutée et débouchés commerciaux : L’application d’une perspective de genre implique de reconnaître le potentiel de valeur ajoutée et les opportunités de marché qui profitent à la fois aux hommes et aux femmes. Cela implique de soutenir l’esprit d’entreprise des femmes, de promouvoir un développement de la chaîne de valeur qui tienne compte de la dimension de genre et d’intégrer des considérations de genre dans les liens avec le marché et les programmes de développement de la chaîne de valeur. Cela peut contribuer à créer des opportunités commerciales inclusives et à renforcer l’autonomisation économique des femmes.
  6. Intégration de la dimension de genre et promotion des politiques : L’intégration de la dimension de genre dans les politiques, les programmes et les institutions liés aux chaînes d’approvisionnement en produits agricoles est un aspect important de la perspective de genre. Il s’agit de plaider en faveur de l’intégration de la dimension de genre dans les politiques pertinentes, de mener des recherches et des collectes de données tenant compte de la dimension de genre et de collaborer avec les parties prenantes afin de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans le secteur agricole.

En appliquant une perspective de genre dans les chaînes d’approvisionnement en produits agricoles, il devient possible de s’attaquer aux inégalités entre les sexes, de promouvoir l’autonomisation des femmes et de libérer tout le potentiel des hommes et des femmes en tant qu’acteurs clés d’un développement agricole durable et inclusif.

Pourquoi la prise en compte des questions de genre dans les chaînes d’approvisionnement en produits agricoles peut-elle améliorer le profil environnemental et des droits de l’homme des activités d’approvisionnement des entreprises ?

La prise en compte des questions de genre dans les chaînes d’approvisionnement en produits agricoles peut en effet améliorer le profil environnemental et des droits de l’homme des activités d’approvisionnement des entreprises. Voici comment :

  • Amélioration de la durabilité de l’environnement : Les femmes jouent souvent un rôle important dans la gestion des ressources naturelles, notamment la conservation des sols, l’utilisation de l’eau et la préservation de la biodiversité. En s’attaquant aux inégalités entre les sexes et en donnant aux femmes les moyens d’agir dans les chaînes d’approvisionnement agricole, les entreprises peuvent bénéficier de leurs connaissances et de leurs contributions à des pratiques agricoles durables. L’inclusion et la participation des femmes peuvent conduire à une gestion plus efficace des ressources, à l’adoption accrue de techniques respectueuses de l’environnement et à une meilleure résistance au changement climatique.
  • Une responsabilité sociale accrue : L’intégration d’une perspective de genre et la promotion de l’égalité des sexes dans les chaînes d’approvisionnement témoignent d’un engagement en faveur de la responsabilité sociale. Elle reconnaît les droits, la dignité et le bien-être des femmes, en garantissant un traitement équitable et l’égalité des chances. Les entreprises qui s’attaquent activement aux questions de genre contribuent à des chaînes d’approvisionnement plus inclusives et plus équitables, en accord avec les principes et les normes internationalement reconnus en matière de droits de l’homme.
  • Amélioration des conditions de travail : Les considérations de genre dans les chaînes d’approvisionnement peuvent conduire à des améliorations des conditions de travail pour les femmes comme pour les hommes. En s’attaquant à la discrimination fondée sur le sexe, en promouvant l’égalité salariale et en garantissant des pratiques de travail sûres et équitables, les entreprises peuvent améliorer le profil général des droits de l’homme de leurs activités d’approvisionnement. Cela contribue à une chaîne d’approvisionnement plus éthique et plus responsable, favorisant la satisfaction des travailleurs, la productivité et les relations à long terme avec les fournisseurs.
  • Réduction des risques et des conflits sociaux : Les inégalités entre les hommes et les femmes peuvent contribuer aux risques sociaux et aux conflits au sein des communautés et des chaînes d’approvisionnement. En abordant ces questions, les entreprises peuvent contribuer à prévenir ou à atténuer les conflits potentiels liés à la propriété foncière, à l’accès aux ressources ou à la répartition inégale des bénéfices. La promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation favorise la cohésion sociale, le développement communautaire et la stabilité, réduisant ainsi les risques de conflits ou de perturbations des activités d’approvisionnement.
  • Accès aux marchés et exigences de certification : Certains marchés et programmes de certification ont des exigences en matière d’égalité des sexes et de durabilité sociale. La prise en compte des questions de genre dans les chaînes d’approvisionnement agricole peut aider les entreprises à répondre à ces exigences et à accéder à des marchés de premier ordre ou à des programmes de certification qui accordent la priorité à la responsabilité sociale et environnementale. Cela ouvre des possibilités de différenciation du marché, d’amélioration de la réputation de la marque et de renforcement de la confiance des consommateurs

Dans l’ensemble, en abordant les questions de genre dans les chaînes d’approvisionnement en produits agricoles, les entreprises peuvent contribuer à une approche d’approvisionnement plus durable, éthique et socialement responsable. Cette approche est non seulement bénéfique pour l’environnement et les droits de l’homme, mais elle renforce également la résilience des entreprises, leur compétitivité et les relations avec les parties prenantes.

Comment impliquer les communautés d’agriculteurs ruraux dans les programmes de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes ?

Les entreprises acheteuses jouent un rôle crucial dans la prise en compte de la dimension de genre lors de l’approvisionnement en produits agricoles. Voici quelques aspects clés de leur rôle :

  1. Demande de chaînes d’approvisionnement intégrant la dimension de genre : Les entreprises acheteuses ont le pouvoir d’influencer la dynamique du marché et de fixer des exigences en matière d’approvisionnement. En exprimant explicitement leur demande de chaînes d’approvisionnement intégrant la dimension de genre, les entreprises acheteuses peuvent inciter les fournisseurs à traiter les questions de genre et à promouvoir l’égalité des sexes tout au long de la chaîne de valeur des produits de base agricoles. Les fournisseurs peuvent ainsi être incités par le marché à adopter des pratiques respectueuses de l’égalité des sexes.
  2. Collaboration avec les fournisseurs : Les entreprises acheteuses peuvent collaborer étroitement avec leurs fournisseurs pour promouvoir les questions de genre. Cela implique d’engager le dialogue, de partager les connaissances et de fournir des conseils et un soutien aux fournisseurs pour qu’ils intègrent l’égalité entre les hommes et les femmes dans leurs activités. Les acheteurs peuvent encourager les fournisseurs à adopter des politiques, des pratiques et des programmes tenant compte de la dimension de genre et les aider à renforcer leur capacité à mettre en œuvre et à contrôler ces initiatives de manière efficace.
  3. Évaluation et suivi des fournisseurs : Les entreprises acheteuses peuvent intégrer des considérations de genre dans leurs processus d’évaluation et de suivi des fournisseurs. Il s’agit notamment d’évaluer les politiques, les pratiques et les indicateurs de performance des fournisseurs en matière d’égalité des sexes, d’autonomisation des femmes et de durabilité sociale. En incluant des critères liés au genre dans les évaluations des fournisseurs, les acheteurs peuvent encourager ces derniers à donner la priorité à leurs efforts en matière de genre et à les améliorer.
  4. Renforcement des capacités et formation : Les entreprises acheteuses peuvent contribuer aux initiatives de formation et de renforcement des capacités des fournisseurs en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Il peut s’agir d’organiser des ateliers, des programmes de formation ou des plateformes de partage des connaissances axés sur l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et les meilleures pratiques pour promouvoir des chaînes d’approvisionnement intégrant la dimension de genre. En sensibilisant les fournisseurs et en renforçant leurs capacités, les entreprises acheteuses peuvent soutenir leurs efforts pour mettre en œuvre des stratégies tenant compte de la dimension de genre.
  5. Traçabilité et transparence : Les entreprises acheteuses peuvent promouvoir la traçabilité et la transparence dans leurs chaînes d’approvisionnement, en particulier en ce qui concerne les questions liées au genre. Il peut s’agir d’assurer la visibilité de la participation des agricultrices, des travailleuses et des chefs d’entreprise aux différents stades de la chaîne d’approvisionnement, et de suivre l’impact des pratiques d’approvisionnement sur les résultats en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. La transparence et la traçabilité permettent aux acheteurs d’évaluer les progrès réalisés et d’identifier les domaines à améliorer.
  6. Collaboration avec les parties prenantes : Les entreprises acheteuses peuvent collaborer avec diverses parties prenantes, telles que les ONG, les organisations de la société civile et les experts en matière d’égalité des sexes, afin de renforcer leurs efforts dans ce domaine. Cette collaboration peut consister à partager les meilleures pratiques, à aligner les normes et les lignes directrices et à relever collectivement les défis liés à l’égalité des sexes dans l’approvisionnement en produits agricoles. Les initiatives de collaboration avec d’autres acheteurs peuvent également amplifier l’impact des considérations de genre en créant une demande collective de changement.
  7. Rapports et communication : Les entreprises acheteuses peuvent communiquer de manière transparente leur engagement à prendre en compte les questions de genre dans leurs chaînes d’approvisionnement. Cela peut se faire par le biais de rapports sur le développement durable, de déclarations publiques et d’un engagement avec les parties prenantes, y compris les consommateurs. En présentant leurs efforts et leurs progrès en matière d’intégration de la dimension de genre, les acheteurs peuvent sensibiliser l’opinion, inspirer d’autres entreprises et contribuer à un mouvement plus large en faveur de chaînes d’approvisionnement intégrant la dimension de genre.

En soutenant activement les considérations de genre dans l’approvisionnement en produits agricoles, les entreprises acheteuses peuvent susciter des changements positifs et contribuer à des chaînes d’approvisionnement plus durables et plus équitables. Leur influence, combinée à des efforts de collaboration tout au long de la chaîne de valeur, peut contribuer à créer un environnement propice à l’autonomisation des femmes, à la promotion de l’égalité des sexes et à l’amélioration des moyens de subsistance des communautés agricoles rurales.

Christèle Delbé
Directrice, Solutions d'approvisionnement responsable chez Ksapa | Autres articles

Christèle est responsable de l'engagement des entreprises en matière de solutions d'approvisionnement responsable, grâce à nos programmes SUTTI, et de conseil en matière de chaîne d'approvisionnement durable. Depuis 20 ans, Christèle a mis en place différentes initiatives permettant de faire progresser les défis sociaux et environnementaux des chaînes agroalimentaires en s’appuyant sur les leviers technologiques.

Christèle a été responsable du développement durable pendant 14 ans chez Orange puis Vodafone. Christèle s’est ainsi s'intéressée particulièrement à la manière de tirer parti des technologies pour innover et fournir des solutions évolutives en matière de droits humains, de carbone, de déchets, d'emballages, de chaînes d'approvisionnement et de consommation responsables. Au cours des 7 dernières années, Christèle s'est rapprochée encore plus des matières premières agricoles et de leurs chaînes d'approvisionnement, et a animé différents partenariats stratégiques et opérationnels multisectoriels avec Bonsucro, Danone, Diageo, GPSNR, ISEAL, PepsiCo, Producers Direct, RSPO, Tetra Pak, Unilever et Vodafone.

Christèle parle anglais, français et espagnol.

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Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.

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