Le Science Based Targets Network’s (SBTN) Initial Target Validation Pilot Summary Report (2024) fournit des informations clés sur la phase pilote de validation des objectifs scientifiques des entreprises (SBTs) en matière de nature, en se concentrant sur l’utilisation des terres et les systèmes d’eau douce. Le pilote, qui s’est déroulé de mai 2023 à juin 2024, visait à guider les entreprises dans la définition d’objectifs scientifiquement solides et mesurables, alignés sur les seuils environnementaux et soutenant la biodiversité. En fin de compte, le pilote montre que trop d’efforts sont investis dans des approches descendantes, alors que la situation sur le terrain est déjà assez claire. Les entreprises se cachent derrière une traçabilité insuffisante et des problèmes de collecte de données pour éviter de se concentrer sur l’essentiel : leurs impacts réels sur le terrain.
Objectifs et cadre du pilote
L’objectif principal du pilote était d’aider les entreprises participantes à développer des objectifs d’action concrets et basés sur la science. Il s’est concentré principalement sur deux domaines : l’utilisation des terres et les systèmes d’eau douce. Le cadre en trois étapes de la SBTN a été utilisé pour guider les entreprises à travers le processus :
- Étape 1 : Évaluer – Cette étape impliquait une évaluation intégrée pour identifier les lieux prioritaires et les problématiques où des objectifs basés sur la nature étaient les plus nécessaires.
- Étape 2 : Interpréter et Prioriser – Les entreprises ont appliqué des considérations environnementales et sociales pour prioriser les actions.
- Étape 3 : Mesurer, Définir, Divulguer – Dans cette étape finale, les entreprises ont mesuré les impacts environnementaux clés, défini des objectifs spécifiques, et divulgué leurs progrès.
Cette approche garantit que les entreprises abordent les pressions environnementales importantes qui contribuent à la perte de biodiversité et au changement climatique. L’accent a été mis sur le fait de fournir aux entreprises un processus structuré qui connecte leurs actions aux objectifs environnementaux mondiaux, offrant ainsi crédibilité et cohérence à leurs efforts de durabilité.
Défis rencontrés
Le rapport souligne plusieurs défis auxquels les entreprises ont été confrontées, principalement dus à la disponibilité des données et aux lacunes méthodologiques. Par exemple, l’accès à des données détaillées et spécifiques à chaque localisation a constitué un obstacle majeur. Cela est crucial pour la définition d’objectifs précis pour l’eau douce, car de nombreuses régions manquent de données complètes sur les seuils environnementaux de leurs bassins hydrologiques.
Un autre défi réside dans la complexité de la traçabilité des impacts tout au long des chaînes de valeur profondes. Par exemple, l’industrie de la mode a eu du mal à rassembler des données fiables au niveau des exploitations agricoles en raison de la variabilité saisonnière dans l’approvisionnement des matières premières et de la nature mondiale des chaînes d’approvisionnement. De plus, les entreprises ont noté que le cadre actuel de la SBTN manquait de directives adéquates pour certains intrants industriels, comme le polyester dans les textiles, qui ne sont pas traditionnellement liés à l’utilisation des terres mais qui ont néanmoins des impacts environnementaux importants.
Dans certains cas, les cadres existants, tels que les évaluations du cycle de vie pour les gaz à effet de serre et les empreintes hydriques, ont fourni des points de départ utiles mais n’ont pas offert les informations localisées et détaillées nécessaires pour les objectifs basés sur la nature de la SBTN. Ce manque a conduit des entreprises comme H&M à s’engager dans des collaborations multipartites pour générer les données nécessaires.
Enseignements clés et perspectives futures
Malgré ces défis, le pilote a fourni des informations précieuses. L’un des principaux enseignements est l’importance de commencer tôt, même avec des données incomplètes. Des entreprises comme H&M et Suntory ont bénéficié d’une implication précoce, ce qui leur a permis d’affiner leur approche au fil du temps et d’aligner leurs opérations sur des cadres émergents, tels que la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD).
Le pilote a également souligné la nécessité d’efforts collaboratifs pour combler les lacunes en matière de données, en particulier au niveau local. La SBTN travaille au développement d’outils comme le Basin Threshold Tool pour aider les entreprises à accéder aux données pertinentes sur l’eau douce pour la définition des objectifs. De plus, la SBTN vise à élargir sa couverture méthodologique pour inclure une gamme plus large de polluants et d’impacts, tels que l’utilisation de pesticides et les déchets de fabrication textile, qui ne sont actuellement pas entièrement pris en compte.
Conclusions
En conclusion, le pilote a marqué une étape importante en permettant aux entreprises de définir des objectifs scientifiques pour la nature. Les enseignements clés incluent l’importance de la collaboration, de l’engagement précoce, et la nécessité de systèmes de données plus robustes. À mesure que la méthodologie SBTN évolue, elle continuera de servir d’outil critique pour les entreprises cherchant à s’aligner sur les limites environnementales mondiales tout en contribuant à la conservation de la biodiversité.
Mais en fin de compte, le rapport et l’initiative dans son ensemble manquent le point crucial. Le processus prend du temps et permet aux entreprises de tirer des conclusions basiques qu’elles auraient sans doute dû connaître auparavant. Par exemple, tout ce travail pour arriver à la conclusion que certaines industries déjà surveillées par l’UE (comme l’huile de palme et le cacao) risquent de dégrader la biodiversité ? Quel gâchis. Il est temps de compléter ces efforts descendants de la TNFD par des approches systémiques territoriales. Quand nous savons que certaines de nos matières premières agricoles ou certaines lignes d’activité de construction contribuent activement à l’artificialisation des sols et à la dégradation de la biodiversité. Quand nous savons dans quels pays, et même dans quels territoires, la plupart des transactions ont lieu. Nous savons où travailler. Sans se cacher derrière un cadre TNFD ou des données inexistantes.
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Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.