Loi canadienne sur le travail forcé : nouvelles obligations 2024

Loi canadienne sur le travail forcé : nouvelles obligations 2024

La loi canadienne sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement S-211 systématise le cadre de reporting extrafinancier sur le travail forcé et celui des enfants au Canada à l’image du projet du règlement européen sur l’interdiction à l’importation de produits issus du travail forcé. Elle vise à interdire l’importation sur le sol canadien de produits ayant impliqué le travail forcé ou le travail des enfants à n’importe quelle étape de la chaîne d’approvisionnement. Il vient en modification de la loi sur le Tarif des douanes pour introduire des dispositions relatives au travail forcé et au travail des enfants.

1. L’aboutissement d’un long processus

La loi canadienne sur le travail forcé et le travail des enfants , aujourd’hui en phase de finalisation trouve ses origines dans l’Accord Etats-Unis-Mexique-Canada entré en vigueur le 1er janvier 1994 mais aussi dans les engagements internationaux du Canada au sein de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Ces conventions internationales  dans leurs dispositions requièrent des Etats membres la mise en place de législations visant l’élimination du travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises sous leurs juridictions. Depuis lors le canada a initié de nombreuses législations avant d’arriver à la proposition de loi actuellement en cours d’adoption. Encore plus récemment, la mise en œuvre d’une réglementation sur la chaîne d’approvisionnement a été accélérée par la virulence des critiques au niveau national et international contre le travail forcé des Ouighours dans la région de Xinxiang en Chine. La proposition de loi sur la lutte contre le travail forcé et des enfants a été introduite au parlement canadien le 24 Novembre 2021. Il a fallu attendre le 03 mai 2023 pour qu’elle soit adoptée par la Chambre des Communes canadienne. La loi entrera en vigueur en vigueur le 1er janvier 2024 après sanction royale selon les estimations du gouvernement canadien.

2. Le devoir de vigilance des entreprises sur la chaine d’approvisionnement, une exigence désormais aux delà du continent européen

Jusqu’en 2020 , le mouvement législatif en faveur de l’imposition d’un devoir de vigilance des entreprises sur la chaîne d’approvisionnement, en matière de droits humains, de travail forcé et de travail des enfants était perçu comme propre au continent européen. Mais depuis 2020, cela n’est plus le cas. L’adoption de telles législations gagne de plus en plus le continent américain. Après la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours des Etats-Unis entrée en vigueur en  juin 2021, c’est le tour du Canada. En effet, la loi canadienne de lutte contre le travail forcé et le travail des enfants entrera en vigueur en 2024. Cette loi est en cours de négociation depuis deux ans. Elle est prévue entrer en vigueur à partir de janvier 2024, le premier rapport extra financier au titre de cette loi attendu pour le 31 mai 2024.

3. La loi canadienne plus ambitieuse que les équivalents français et allemand

Eu égard à la faiblesse des seuils d’applicabilité de la loi canadienne, celle-ci offre la possibilité de couvrir un nombre important d’entreprises que ne le permettent les législations sœurs en France et en Allemagne. En effet, selon les autorités canadiennes, si la loi canadienne reprenait les seuils d’applicabilité de la loi française sur le devoir de vigilance ou encore la loi allemande sur le devoir de vigilance seulement une centaine d’entreprises canadiennes seraient éligibles. Par contre, avec les seuils actuels, la loi canadienne couvrira de milliers d’entités  canadiennes. En effet, tandis que la loi française sur le devoir de vigilance exige un effectif d’employé de 5000 ou 10 000 et celle allemande 1000 employés(à partir de 2024), la loi canadienne requiert un seuil de 250 employés. Par ailleurs en plus des entités privées , la loi canadienne intègre dans son champ d’application les entités publiques se livrant à des activités commerciales sur le marché canadien. La loi française sur le devoir de vigilance ainsi que la loi allemande n’intègrent pas cette dernière catégorie d’acteurs.

4. Objet et étendue d’application de la loi

A l’image de réglementations équivalentes en Europe, la loi canadienne S-211 vise à lutter contre le travail forcé et le travail des enfants dans la chaînes d’approvisionnement des institutions publiques et entreprises privées commercialisant des produits sur le territoire canadien. Elle accomplit ce but par l’imposition d’obligations en matière de rapport extra-financier. Il s’agit par la même occasion selon le gouvernement canadien de mettre en œuvre les engagements internationaux du pays en la matière au niveau régional et dans le cadre de l’OIT.

La loi canadienne S-211 s’applique à la fois aux institutions fédérales et aux entités privées. Pour les entités fédérales, la loi leur est applicable si elles sont engagées dans des activités de production, d’achat ou de distribution de marchandises au Canada ou à l’étranger.  

Quant aux entités privées, elles sont couvertes par la loi si elles :

  • (1)Produisent, achètent ou distribuent des marchandises au Canada ou à l’étranger ;importent au Canada des marchandises produites à l’étranger ou contrôlent une entité se livrant à des activités de commercialisation de marchandises ou important ces marchandises au Canada, qu’il s’agisse d’un contrôle directe ou indirecte;
  • (2)L’entité doit être inscrite sur la côte d’une bourse de valeurs au Canada ou posséder un établissement au Canada, effectuer des affaires au Canada ou détenir des actifs au Canada qui sur la base des états financiers consolidés, remplit au moins deux des trois conditions suivantes à l’occasion de ses deux derniers exercices :
  • Avoir détenu  des actifs d’une valeur d’au moins 20 millions de dollars canadiens d’actifs ;
  • Avoir généré  un chiffre d’affaires d’au moins 40 millions de dollars canadiens ; et/ou
  • Avoir employé une moyenne d’au moins 250 employés ;

Sans toutefois remplir les conditions ci-dessus énumérées, une entité peut se voir appliquer l’obligation de rapports en matière de travail forcé et des enfants en vertu d’autres exigences spécifiques qui seront définies par un règlement technique à venir.

5. Obligations de diligence à destination des entreprises

L’obligation de rapport introduite par la loi canadienne S-211 est requise sur une base annuelle. Le délai pour procéder à une telle déclaration est le 31 mai de chaque année pour l’exercice antérieur. La première déclaration est attendue pour le 31 mai 2024.

La déclaration doit informer sur les mesures  prises au cours du dernier exercice de l’entité pour prévenir et atténuer le risque relatif au recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de marchandises par l’entité fédérale ou l’entité privée— au Canada ou ailleurs — ou de leur importation au Canada . La déclaration doit inclure les informations suivantes :

  • sa structure, ses activités et ses chaînes d’approvisionnement,
  • ses politiques et processus de diligence raisonnable en matière de travail forcé et de travail des enfants,
  • les segments de la chaines de valeurs comportant des risques de travail forcé ou de travail des enfants ainsi que les initiatives mises en place pour identifier et gérer ces risques,
  • les mesures mises en place pour remédier aux situations avérées de travail forcé ou de travail des enfants,
  • les mesures mises en place pour faire face aux pertes de revenues de ménages les plus vulnérables comme conséquences de l’exécution de mesures destinées à éliminer le travail forcé ou le travail des enfants par ces entreprises,
  • les programmes de formation des employés relativement aux questions de travail forcé et en matière de travail des enfants,
  • les mesures d’évaluation de l’efficacité des mesures de lutte contre le travail forcé et des enfants dans sa chaine d’approvisionnement.

La déclaration peut être faite pour une entreprise prise individuellement ou au nom de plusieurs entreprises.

6. Mise en œuvre de la loi

La mise en exécution et le contrôle de l’application de la loi sur le travail forcé et le travail des enfants est confiée au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. A ce titre le gouvernement peut contraindre les entités concernées à fournir certaines informations ou certains documents destinés à attester de la conformité avec la loi. Par ailleurs, le ministre de la Sécurité et de la protection sociale peut mandater toute personne en vue de l’exécution et du contrôle de l’application de la loi. La personne mandatée pour l’exécution est habilitée à adopter diverses mesures de vérification y compris des visites de terrain ou de perquisition de tout lieu ou bien  lorsqu’elle a des motifs raisonnables de croire que s’y trouvent un objet affecté par le travail forcé ou le travail des enfants.

En cas de constatation de manquements à la loi S-211, le ministre peut édicter des mesures correctives jugées adéquats à la mise en conformité. L’application de la loi est aussi assortie de peine. Ainsi toute omission de déclaration est sanctionner par une amande pouvant aller jusqu’à 250 000 $.

Conclusion

Ksapa est une entreprise à mission basée à Paris avec des extensions à Londres et en New York. Le caractère international de ses activités lui ont permis d’accompagner plusieurs entreprises européennes et à travers le monde dans leurs obligations de conformité imposées par les nouvelles législations croissantes en la matière. Ksapa est ainsi rodé aux exigences de due diligence auxquelles les entreprises font face actuellement indépendamment de leur lieu d’installation ou d’opération. Il peut ainsi accompagner toute entreprise dans la mise en place d’une politique de due diligence adressant les points sensibles de la chaînes de valeur en matière de travail forcé et de droits humains et conforme aux principes de l’OCDE, aux standards l’OIT et aux principes des Nations Unies en matière de due diligence.

Francois Thiombiano - Ksapa
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François travaille chez Ksapa en tant que consultant en développement durable. Il est aussi chargé de plaidoyer et de support juridique.

Ayant éprouvé très tôt un vif intérêt pour le développement durable, François a été amené à réaliser un Master en Human Rights and Multi-level Governance à l’Université de Padoue. Il est aussi titulaire d'un Master en Droit International Economique de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Passionnée par la thématique du développement durable, il aspire travailler à la construction d'une économie plus respectueuse des droits humains et de l'environnement.

François parle couramment le français, l’anglais, le gourmantché et le Moore.

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