Mise à jour de la directive européenne sur l’information extra-financière

Ksapa a récemment contribué à la consultation publique européenne sur la revue de sa directive extra-financière. Voici quelques pistes pour améliorer la fiabilité de l’information extra-financière des entreprises.

La consultation des parties prenantes rend la réglementation plus pertinente

La directive sur l’information non-financière 2014/95/UE, ou NFRD, vient modifier la directive comptable 2013/34/UE. Elle impose aux grandes entreprises de publier des états financiers annuels dans le cadre de leur obligation d’information publique. En décembre 2019, la Commission européenne a de plus rappelé dans sa communication sur le Pacte Vert pour l’Europe qu’elle attend des entreprises et institutions financières qu’elles améliorent la fiabilité de leur information extra-financière. Une meilleure information sur la performance financière, extra-financière et socio-environnementale des entreprises est en effet nécessaire aux investisseurs et à la société civile, qui en sont les principaux utilisateurs.

Suite à la consultation publique en ligne sur l’information financière des entreprises de 2018 et à la consultation en ligne ciblée de 2019 sur l’information liée au climat, la Commission européenne a lancé une nouvelle consultation publique en mai 2020 pour recueillir les réactions d’un large panel de parties prenantes. L’objectif est de renforcer les fondamentaux de l’investissement durable et, partant, de s’accorder sur des exigences largement acceptables et applicables pour la directive européenne sur l’information extra-financière. Cette approche reflète une tendance internationale, diverses organisations et parties prenantes réclamant une nouvelle approche réglementaire du reporting extra-financier.

Il est de l’avis de Ksapa que les exigences d’information qui résultent de cette consultation constituent une évolution positive pour les entreprises. Voici donc quelques uns de nos arguments, partagés au cours de la consultation, en faveur d’une amélioration de la fiabilité de l’information extra-financière des entreprises.

Le reporting ESG comme facteur différenciant : les investisseurs exigent de la data extra-financière et y seront de plus en plus contraints de toute façon

Les indices de référence et les notations en matière de développement durable abondent, bien que MSCI, Sustainalytics, le Dow Jones Sustainability Index, Vigeo-Eiris de Moody’s ou le Carbon Disclosure Project soient devenus incontournables. Ils permettent non seulement aux entreprises de comparer leurs réalisations, mais aussi de prendre part à une course pour la meilleure performance en matière de développement durable. La data extra-financière est en effet le pendant de toute stratégie de développement durable et présente un certain nombre d’avantages pour les entreprises. Elle leur confère une visibilité accrue auprès des investisseurs, facilite leur accès aux capitaux et renforce leur réputation, en plus de consolider leur intégration à travers leurs territoires d’opération.

Que publier, au juste ?

Chez Ksapa, nous abondons dans le sens de la Commission : la crédibilité du reporting se trouve souvent grevée par une prise de responsabilité et portée limitées quant à l’information extra-financière… quand les entreprises n’en font pas tout simplement l’impasse. Par exemple, la loi sur le devoir de vigilance pousse les entreprises divulguer davantage d’information sur leurs clients, les secteurs dans lesquels elles sont impliquées et une liste exhaustive de leurs engagements extra-financiers. Dans le même temps, d’autres indicateurs clefs de performance liés à la consommation d’énergie, aux émissions de gaz à effet de serre et à la diversité font déjà l’objet d’un reporting régulier.

Pour autant, le défi consiste à rendre compte des enjeux dits matériels, à savoir l’impact des actions en place pour réduire les risques sur les Droits de l’Homme, l’efficacité des mesures de lutte contre la corruption, l’adaptation aux changements climatiques au-delà de la consommation d’énergie ou des scopes 1 et 2 des émissions de GES, ou encore la gestion des conflits, notamment. Il s’agirait par exemple de quantifier le nombre d’employés qui ont reçu une formation appropriée, les actions en justice en cours ou soldées concernant des comportements anticoncurrentiels ou la corruption associés aux processus correctifs internes mis en place, ou les violations relatives au code de conduite de l’entreprise, etc… Sur ces bases, les entreprises doivent se mettre en conformité avec la règlementation en vigueur et prendre des mesures pour garantir l’efficacité de sa mise en œuvre.

Qui soumettre au reporting extra-financier ?

La directive européenne vise les émetteurs cotés sur un marché réglementé, les établissements de crédit et d’assurance, ainsi que toute autre structure d’intérêt public reconnue par l’État. La directive comptable définit comme grandes entreprises celles qui remplissent au moins deux des trois critères suivants :

  1. Un bilan comptable supérieur à 20 000 000 EUR
  2. Un chiffre d’affaires net supérieur à 40 000 000 EUR
  3. Un nombre moyen de salariés supérieur à 250 tout au long de l’exercice

Le rôle clé de la normalisation

Toutes les parties prenantes bénéficient-elles des exigences de la NFRD ? Les informations mandatées ne concernent pas seulement la responsabilité des entreprises, mais aussi la capacité d’autres parties prenantes à prendre des décisions informées. Compte tenu de la prévalence des actifs immatériels dans l’économie réelle, les équipes de Ksapa conseillent aux entreprises de renseigner davantage d’informations extra-financières concernant leurs actifs immatériels et les enjeux connexes, tels que la propriété intellectuelle, la gestion des données, la fidélisation des collaborateurs et de la clientèle et l’employabilité et l’investissement dans le capital humain pour s’adapter aux transformations digitales, environnementales, sanitaires ou sociales en cours par exemple.

Identifier les enjeux socio-environnementaux prioritaires

Les lignes directrices provisoires de la Commission européenne stipulent que les rapports doivent être structurés autour d’une analyse de matérialité. Ksapa soutient régulièrement les entreprises dans cet exercice d’auto-évaluation, afin de déterminer l’importance et la pertinence des informations et enjeux en fonction du contexte spécifique de leurs opérations.

L’application effective du principe de matérialité contribuerait à combler les lacunes actuelles en matière de publication d’informations extra-financières par les entreprises, qui partagent les informations qu’elles estiment nécessaires au secteur financier… mais pas toutes. Nous n’en attendons pas moins des acteurs de l’assurance et du secteur financier, qui devront identifier et rapporter les principaux risques de leurs engagements, leurs mesures pour y remédier et toute autre observation pertinente. Une norme d’assurance commune devra naturellement prévaloir.

Considérations sur la période idéale et les modalités du reporting

Les processus de reporting doivent se conformer à différentes normes, notamment celles de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures, du cadre de reporting des Principes Directeurs des Nations unies sur les entreprises et les Droits de l’Homme, du CDP et du Carbon Disclosure Standards Board. Plusieurs approches propres à l’environnement ont également été développées à l’échelle européenne, dont l’empreinte environnementale des organisations et le Système de Management Environnemental et d’Audit (dit éco-audit).

La période de publication des informations extra-financières coïncide idéalement avec celle des états financiers. Pour normaliser les pratiques, ce reporting doit d’abord s’appliquer à toutes les entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes. Une approche adaptée à la taille des entreprises et leurs capacités de reporting devra donc être développée et mise en œuvre.

Acter la numérisation des données

Par le biais de sa directive sur la transparence, la Commission a introduit le format électronique unique européen. Cette norme de structuration des données doit permettre de réduire les coûts pour les utilisateurs des rapports financiers annuels, accélérer la vitesse de traitement et d’analyse des données, améliorer leur fiabilité et précision et accroître la qualité globale de l’information et de la prise de décision attenante. Pour autant, Ksapa estime que ces avantages ne justifient pas entièrement le coût d’inclure ces balises dans les rapports extra-financiers.

Conclusion

Les rapports extra-financiers visent à aider les entreprises à mesurer leurs résultats par rapport à des métriques de développement durable spécifiques, souvent au moyen d’indicateurs clefs de performance. La mesure est la première étape de toute gestion et facilite l’identification des évolutions et tendances pour les entreprises.

Les réactions à la directive européenne ont toutefois été contrastées :

  • Certains estiment qu’il reste encore du travail à faire ;
  • Les plus avertis soulignent que, bien que la nouvelle législation vise à relever la barre en matière d’information extra-financière, elle ne parvient pas à se hisser au niveau de leurs pratiques actuelles ;
  • Les autres persistent à douter de l’utilité de documenter leurs performances socio-environnementales… et un travail de sensibilisation doit continuer à leur égard pour montrer et démontrer le lien entre performance financière et extrafinancière

Tout se résume à la généralisation des approches intégrées, c’est à dire l’utilisation d’informations extra-financières pour structurer les stratégies des entreprises. Pour Ksapa, là est la « nouvelle frontière » de la décennie qui commence sous le signe de turbulences sociales, environnementales, digitales et sanitaires qui renforcent encore plus la pertinence de bâtir des stratégies intégrant intimement le financier et l’extrafinancier dans l’analyse, le pilotage et la mesure des impacts.

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Eric Guetsa intervient en qualité d’Analyste ESG et participe notamment aux activités de structuration de fonds d’impact investing développés par Ksapa.
Eric a 12 ans d’expérience dans les secteurs de la banque et du conseil et a successivement travaillé pour Africa Technology Corporation, Bureau d’Etude Conseil et Formation (BECOF) et Afriland First Bank Cameroun : il y a notamment développé une expertise financière et extrafinancière en matière d’analyse des risques et évaluation ESG dans différents secteurs industriels et agroforestiers.
Il parle français et anglais.

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