Ksapa a récemment organisé un wébinaire, auquel se sont inscrits plus de 130 participants issus d’entreprises du classement Fortune 500 et chefs de file de l’investissement et d’autres parties prenantes. Morceaux choisis du débat avec nos intervenants de Reckitt Benckiser, Stora Enso et Sodexo.
+300% de déchets plastiques aux USA avec la crise sanitaire
La crise du Covid-19 impacte nos vies, communautés et économies mondiales au quotidien. À juste titre ou non, les préoccupations sanitaires attenantes ont encouragé un recours massif à des équipements de protection jetables. Depuis le début de la pandémie, la consommation de plastiques à usage unique aurait augmenté de 300 % en Amérique, selon l’Association internationale des déchets solides. Grand View Research estime, quant à lui, que le marché global des masques jetables pourrait croître de 800 millions de dollars en 2019 à 166 milliards de dollars en 2020. Bien que techniquement recyclable, la gestion de la crise sanitaire impose de flécher ce trop-plein de plastique vers les décharges ou l’incinération. Là, ils ont toutes les chances d’être balayés vers des océans déjà fragiles ou rejetés dans l’atmosphère sous forme de toxines, de nano ou microparticules.
L’enjeu est donc de gérer les injonctions contradictoires des entreprises et investisseurs, appelés à jongler entre impératifs sanitaires, engagements pour la transition circulaire et réduction des plastiques. Partant du principe que 2020 doit être la décade de l’action, Ksapa a organisé un wébinaire pour débattre des défis et solutions. Nous avons donc recueilli les points de vue des experts que sont Maria Outters (SVP du Développement Durable et de la Responsabilité Sociétale du groupe Sodexo), David Croft (Directeur du Développement Durable de Reckitt Benckiser) et Eija Hietavuo (SVP du Développement Durable et des Matériaux d’Emballage chez Stora Enso).
La circularité, une priorité trop peu prise au sérieux
Le secteur privé s’est jusqu’ici principalement attaché à découpler l’activité économique de l’utilisation des ressources naturelles, tout en s’attelant à réduire les impacts environnementaux corollaires. De nouveaux modèles commerciaux circulaires apparaissent cependant, qui ciblent 5 leviers clefs : l’intégration des matériaux renouvelables, la généralisation du recyclage, la requalification des produits en fin de vie, le partage et la location des actifs.
L’industrie a dans le même temps été confrontée à une pression croissante, du fait de nouvelles réglementations, l’attention des médias et le tollé général concernant sa dépendance vis-à-vis de la pétrochimie. Une récente enquête menée auprès de 50 dirigeants de l’industrie des biens de consommation a pour autant mis en évidence une relative inaction sur le front de la pollution des plastiques, malgré des engagements médiatisés. L’association As You Sow a évalué leurs performances au crible d’enjeux allant de la conception des produits aux emballages réutilisables, en passant par le contenu recyclé, la transparence des données sur les emballages et la promotion du recyclage et de la responsabilité élargie des producteurs. Alors que les progrès les plus importants semblent se focaliser sur la conception des emballages et le recours aux matières recyclés, la plupart ne propose pas d’alternative pertinente aux emballages en plastique et aucune ne dispose d’un calendrier précis pour solder la question de l’usage unique.
Un défi majeur découle du fait que le plastique reste particulièrement bon marché et pratique. Reste qu’en Chine comme en Asie du Sud-Est ou dans les économies de l’OCDE, la perception du plastique évolue rapidement parmi les gouvernements, clients, consommateurs et autres parties prenantes. Le changement des processus industriels exige, lui, du temps, des technologies et des capitaux. Pour anticiper ces évolutions, nombre d’entreprises publiques et interentreprises ont d’ores et déjà banni le plastique.
Le Covid-19 remet en jeu toutes ces différentes avancées.
3 solutions pour renforcer la transition circulaire malgré le coronavirus
Pour que la circularité perdure malgré les défis sanitaires et la relance post-coronavirus, Ksapa propose 3 solutions visant à maintenir un dialogue de qualité entre les parties prenantes, basé sur une trajectoire d’adaptation lisible et crédible, qui jongle efficacement entre réduction des coûts, stratégies de développement durable et plans d’action pour une transition circulaire.
1. Choisir ses batailles
Dans un monde aux ressources de plus en plus limitées, la comptabilité du carbone poussera vraisemblablement les parties prenantes à prendre à partie les entreprises trop dépendantes de la pétrochimie. Chez Ksapa, nous concevons et déployons des programmes de dialogue inter-parties prenantes, pour que nos clients identifient des filières où le plastique demeure acceptable. Pour le reste, nous appliquons nos méthodologies à définir des feuille de route zéro plastique.
Sodexo a par exemple axé son engagement de circularité sur la prévention du gaspillage alimentaire, en favorisant les buffets et les salades en vrac. Sa gestion responsable des plastiques se traduit par la distribution de sacs et de couverts sur demande, l’intégration de solutions de restauration sans plastique et l’élimination progressive des plastiques à usage unique. Bien que les mesures barrières au Covid-19 justifient parfois un retour du plastique, Sodexo ne prévoit pas de revenir sur ses engagements. S’il doit composer avec le retour en force des plastiques, le Groupe entend rediriger ses efforts vers la promotion de régimes alimentaires à base de plantes, l’intégration de solutions alternatives aux plastiques et la promotion de la collecte et du recyclage, en appelant les décideurs publics à tabler sur davantage de réglementation et d’infrastructures.
Stora Enso se situe en amont de la bataille des plastiques, l’entreprise a donc choisi de promouvoir la bioéconomie circulaire. Le Covid-19 a là encore revalorisé les emballages et plastiques au sein du groupe, comme une solution intelligente et efficace pour préserver la santé et l’alimentation.
Reckitt Benckiser priorise l’intégrité, l’acceptabilité et l’accessibilité financière de ses produits. Son engagement de circularité va au-delà de la réduction de l’utilisation des matériaux ou de la conception de produits et emballages ; le Groupe s’intéresse plus proactivement aux importations de matières premières et aux matières premières recyclées pour les ingrédients naturels et chimiques. Partant du principe qu’on ne peut pas se contenter de recycler pour sortir de la crise des plastiques, le Reckitt Benckiser promeut des environnements sans plastique, optimise la taille des emballages en fonction de l’utilisation par les consommateurs et encourage l’efficacité, la qualité et la réutilisation des matériaux. Son approche consiste à équilibrer sa gamme de produits et les marchés, afin de permettre l’accès à des alternatives plastiques en fonction de la situation géographique et de la recyclabilité des produits.
2. Investir dans des modèles innovants
Ksapa développe des modèles de financement innovants passibles de fédérer investisseurs comme industriels, pour partager leurs ressources et généraliser des technologies industrielles et solutions d’emballage alternatives à l’utilisation du plastique. Sodexo a par exemple renouvelé un système de crédit renouvelable de 1,3 milliard d’euros, indexé sur l’engagement du Groupe à mettre fin au gaspillage alimentaire. Cette approche permet de donner une visibilité financière aux efforts des équipes internes et aux coûts sous-jacents, pour davantage encore la mobilisation interne. Chez Ksapa, nous nous appuyons sur une ingénierie financière aussi éprouvée qu’innovante pour changer la donne et atteindre le niveau de ressources nécessaire au passage à l’échelle effectif de différents programmes à impact positif.
Dans le même temps, les Objectifs de Développement Durable des Nations unies et les Principes Directeurs de l’OCDE souffrent de la perception qu’ils favorisent les prêteurs par rapport aux emprunteurs, indépendamment des taux préférentiels sous-jacents. La finance ne saurait donc être réellement verte que si elle mise sur la collaboration et ce, dès la conception des solutions de financement. La Commission Européenne s’efforce par exemple d’intégrer des exigences de performance durable dans son programme de relance post-coronavirus, tout en collaborant avec le secteur privé pour assurer d’une mise en œuvre efficace sur le terrain.
3. Miser sur la collaboration
Chez Ksapa, nous partageons notre expertise avec les autorités, investisseurs et entreprises, pour converger sur des réglementations pertinentes, incitations fiscales et programmes de réduction des déchets et de recyclage. Ce n’est qu’en tirant les enseignements des pratiques de pointe que l’on pourra décupler les impacts positifs pour la décade à venir. La refonte du modèle linéaire sur lequel les entreprises ont été construites passe nécessairement par la collaboration, pour boucler la boucle tant dans la conception des produits, que l’utilisation des matériaux, la mobilisation partagée avec les clients et la compréhension de la fin de vie des produits. L’ampleur de la surconsommation du plastique signifie qu’on ne peut laisser perdurer le statu quo, ce qui pousse les entreprises à envisager la conception et l’élimination de leurs produits avant même de les fabriquer. Avec plus de 90 politiques régissant les plastiques dans le monde, la pression sera bientôt telle que le changement s’imposera aux entreprises.
Une autre solution consiste à travailler avec les points de collecte et les consommateurs, en développant des relations préexistantes et nouvelles pour activer et pas seulement promouvoir le recyclage, en particulier lorsqu’il s’agit de l’économie informelle des pays émergents. Les consommateurs pourraient par exemple être récompensés pour leur contribution au recyclage, grâce à des outils numériques déjà présents et massivement exploités, notamment par Sodexo.
Dans une perspective plus large de transition vers une économie circulaire et pour relever le défi du plastique, la collaboration semble simplifier la gestion de l’offre, à la fois directement et indirectement. Porteuse de sens, elle constitue en outre solution rapidement reproductible et à long terme. La collaboration joue enfin un rôle essentiel pour que les entreprises et structures de financement contribuent pleinement au développement et à la transformation des marchés.
Conclusion : Le progrès se joue dans les interfaces
Le progrès se joue dans les interfaces, comme l’a démontré notre wébinaire, en s’entretenant avec trois entreprises à différents points de la chaîne de valeur. Le secteur privé doit désormais analyser ce qu’il achète et vend, pour ne pas générer d’impacts négatifs pour la communauté internationale et renforcer son action au bénéfice d’autres acteurs de la chaîne de valeur.
Les équipes de Ksapa se tiennent prêtes à échanger plus avant avec les organisations qui se jointes à notre débat. Parmi les participants à notre réflexion sur des sujets aussi sensibles et complexes que la circularité et la gestion des plastiques, se trouvaient en effet des entreprises et investisseurs internationaux à l’image de PVH, Nike, BP, Unilever, Engie, Axa, Coca-Cola, Estée Lauder, Allianz, Sanofi, L’Oréal, Danone, Total, BNP Paribas, Hewlett-Packard, Canon, De Beers, Sephora, Solvay, Volvo et Suez. Ils étaient notamment rejoints par des consultants, universitaires et organisations à but non lucratif dont McKinsey, MSCI, Sustainalytics, le Danish Industry Forum, l’OCDE, l’PNUE, la World Bank, la INSEAD Business School, les Oxford University Press, Forest Carbon, Action Contre la Faim et la Société mondiale de Protection des Animaux.
Revoir le wébinaire (anglais) ici.
Forte d’une expérience internationale auprès de structures publiques, privées et associatives, Margaux Dillon intervient chez Ksapa en tant que consultante en développement durable et responsabilité des organisations.
Elle avait auparavant travaillé pour les cabinets Deloitte et Quantis, assuré la promotion institutionnelle de l’infrastructure de recherche sur les écosystèmes ENVRI+ pour le compte de l’INRA, et contribué au reporting extra-financier du groupe Total.
Margaux est de nationalité franco-américaine et est titulaire d’un Master en histoire, communication, entreprises et affaires internationales ainsi que de deux certifications en développement durable de l’IEMA et Centrale-Supélec. Elle parle anglais, français et espagnol.