Le Forum de l’OCDE sur la Finance Verte et l’Investissement 2024 est une plateforme dédiée aux discussions sur l’alignement de la finance avec les objectifs climatiques mondiaux. Il met l’accent sur la mobilisation des investissements privés, les cadres réglementaires et les pratiques durables des entreprises. Le forum aborde des sujets clés tels que la nécessité de plans de transition solides, le financement de la biodiversité, les obligations vertes et l’intégration de pratiques durables dans les différents secteurs. L’événement souligne l’importance de la collaboration entre les secteurs public et privé pour soutenir la décarbonisation, la résilience et d’autres objectifs environnementaux, en mettant en avant une approche globale de la finance climatique. Voici quelques éléments clés concernant le soutien aux plans de transition des entreprises.
Planification de la transition et crédibilité
Les plans de transition sont essentiels pour s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris. Un plan réussi ne doit pas seulement promettre des réductions d’émissions, mais aussi garantir une crédibilité économique, en évitant les pièges du greenwashing. Le greenwashing, où des entreprises se présentent faussement comme respectueuses de l’environnement, compromet les efforts authentiques et constitue un enjeu majeur. Par conséquent, des plans de transition crédibles, axés sur la transformation à long terme et sur des impacts mesurables, sont nécessaires.
Les données de Scope 3 : des émissions 26 fois plus élevées, mais pas toujours prioritaires
Le taux d’adoption de plans crédibles de transition par le secteur privé reste préoccupant. Par exemple, les données du CDP (Carbon Disclosure Project) montrent que, bien que les deux tiers des entreprises mondiales publient des données sur le climat, seulement un quart d’entre elles disposent d’un plan de transition. Seulement environ 1 % (31 entreprises) possèdent des plans jugés « crédibles », répondant aux 21 points de données exigés par le cadre du CDP. Cela indique que la majorité des entreprises doivent encore élaborer des stratégies rigoureuses et fiables. Un problème majeur est le manque de données fiables sur les émissions de Scope 3 (émissions indirectes tout au long de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise), qui sont souvent 26 fois plus élevées que les émissions directes (Scopes 1 et 2).
En revanche, des initiatives comme le Climate Bonds Initiative (CBI) se concentrent sur la création de cadres pour la finance verte, en promouvant l’émission d’obligations pour soutenir des projets respectueux du climat. Contrairement au CDP, le CBI n’insiste pas sur la nécessité de données détaillées sur les émissions de Scope 3. Cela peut être utile pour des industries évidentes comme le pétrole et le gaz ou l’automobile. Cependant, le CBI préconise principalement des plans clairs et évolutifs développés par les émetteurs, démontrant comment les entreprises peuvent soutenir la transition climatique de manière efficace et à échelle, le plus rapidement possible. Le CBI note que les Contributions Déterminées au Niveau National (CDN) existantes en vertu de l’Accord de Paris sont toutes insuffisantes, appelant à des plans plus forts et évolutifs pouvant mobiliser rapidement les ressources du secteur privé lors par exemple de la COP29 prochaine. Le CBI travaille également à une plus grande cohérence avec d’autres organisations comme le CDP et le Science-Based Targets Initiative (SBTi), afin d’harmoniser les attentes à travers différentes régions et industries. En développant des taxonomies qui guident les investisseurs, ils améliorent l’alignement entre les investissements privés et les pratiques durables, envoyant un message clair aux acteurs économiques sur l’urgence de la crise climatique.
La question reste cependant de trouver un équilibre entre les efforts pour collecter les données souvent indisponibles de Scope 3 – notamment à travers les chaînes de valeur – et le fait de se concentrer sur le soutien de programmes spécifiques à l’industrie ou au territoire, accélérant la décarbonation sur des points névralgiques clairement identifiés.
La coopération entre investisseurs publics et privés est cruciale pour amplifier l’action climatique
La coopération entre les secteurs public et privé est également essentielle pour offrir une vision réglementaire à long terme et réduire les risques liés à la transition climatique encourus par le secteur privé. Par exemple, des initiatives comme l’Agence de la Transformation Verte (GX) du Japon jouent un rôle crucial dans ce contexte en combinant le soutien public avec des investissements privés pour conduire la transformation verte à grande échelle. L’Agence GX du Japon met en effet l’accent sur la transformation plutôt que sur une simple transition, avec pour objectif d’accélérer les investissements privés dans des solutions vertes. Contrairement aux plans de transition traditionnels, l’Agence GX cherche à créer un environnement réglementaire stable encourageant les entreprises à investir dans des stratégies climatiques à long terme. Cette approche combine les efforts publics et privés, offrant un cadre holistique pour une croissance durable et répondant aux défis environnementaux urgents.
Compte tenu des données démographiques et de l’endroit où se trouvent les importantes émissions de Scope 3 des chaînes mondiales, l’inclusion des économies émergentes est évidemment cruciale. Dans ce domaine, la Société Financière Internationale (IFC) s’est engagée en 2023 à aligner 85 % de ses investissements sur l’Accord de Paris, en incorporant la transition comme un axe d’investissement central. Pour l’IFC, évaluer la robustesse du plan de transition d’une entreprise est une condition préalable au financement. Leur approche inclut la protection contre les risques par le biais de normes de performance et veille à ce qu’aucun investissement ne cause de préjudice. L’IFC reconnaît le manque significatif de données sur les émissions de Scope 3, notamment dans les économies émergentes, où ces émissions indirectes dominent l’empreinte carbone. Pour y remédier, elle soutient des initiatives de renforcement des capacités qui aident les entreprises à développer de meilleurs rapports de données et des plans de transition. La surveillance et l’évaluation continue sont essentielles pour garantir que les investissements ont un impact environnemental significatif et que des mesures correctives sont prises si nécessaire pour améliorer les résultats.
Défis et opportunités dans la transition verte
Malgré les progrès réalisés, des actions gouvernementales supplémentaires sont nécessaires pour accroître les contributions du secteur privé avec des plans de transition crédibles. Le CDP souligne l’absence d’une norme mondiale de reporting unifiée, ce qui entrave la cohérence et la comparabilité des données entre entreprises et industries malgré une forte croissante de la production de données. L’Inde, par exemple, a enregistré une croissance de 100 % d’une année sur l’autre en matière de reporting de données climatiques, montrant des progrès significatifs. Cependant, l’absence de cadres standardisés pose encore des défis.
L’IFC souligne que, sans une plus grande rigueur et comparabilité, il devient difficile d’évaluer et de remettre en question les plans de transition de manière efficace. C’est crucial, car toutes les initiatives de transition ne mènent pas à des impacts économiques positifs. Certaines peuvent entraîner des perturbations économiques, ce qui peut créer des résistances. Par conséquent, des cadres robustes sont nécessaires pour équilibrer les objectifs environnementaux avec les réalités économiques, assurant des transitions plus fluides.
Le CBI insiste également sur la nécessité d’initiatives publiques pour stimuler la demande du marché alignée sur les recommandations scientifiques. Cela implique de créer des programmes incitatifs, de fournir un financement et d’établir des accords clairs qui incitent les entreprises à adopter des pratiques durables. La collaboration entre les gouvernements et les entités privées, comme le montre l’initiative GX du Japon, peut accélérer ces efforts en combinant les ressources, en réduisant les risques et en encourageant l’adoption à grande échelle de solutions vertes.
Conclusion
Le Forum de l’OCDE sur la Finance Verte et l’Investissement 2024 souligne l’urgence de développer et de mettre en œuvre des plans de transition robustes. Que ce soit à travers les cadres établis par le CDP, l’approche transformative de l’Agence GX du Japon ou les stratégies d’investissement de l’IFC, un thème commun est la nécessité de solutions crédibles et évolutives pouvant mobiliser efficacement l’engagement du secteur privé.
Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, les entreprises doivent aller au-delà des engagements superficiels et investir dans des stratégies de transformation à long terme. L’action gouvernementale, sous forme de réglementations standardisées et de mécanismes financiers de soutien, est essentielle pour créer des conditions équitables et encourager l’adoption généralisée de pratiques écologiques. En combinant les efforts publics et privés, et en s’appuyant sur des cadres comme ceux développés par le CBI et le CDP, il est possible de réaliser des progrès significatifs vers la construction d’une économie mondiale durable. Cependant, la route à suivre exige collaboration, innovation et un engagement ferme en faveur de la transparence et de la responsabilité.
Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.