Quelles mesures devraient prendre les entreprises et les organisations pour faire progresser les droits humains dans leurs activités en 2024?

Cet article ne couvre pas les questions ou les secteurs que les entreprises et les organisations doivent surveiller en 2024; il donne un aperçu et des suggestions sur les mesures à prendre pour s’assurer que les entreprises adoptent une optique de droits humains dans la compréhension, le traitement et la mitigation de ces questions.

1. La mise en œuvre d’un suivi réglementaire – ici il faut réfléchir à un changement dans les pratiques de gestion des risques, et non pas à la conformité juridique

Les entreprises devront se conformer aux cadres obligatoires existants et émergents de diligence raisonnable et de déclaration en matière de droits humains (CSRD, SFRD, CSDDD, et d’autres tels que la loi canadienne sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, qui est entrée en vigueur en 2024). L’objectif de ces réglementations est le même : elles cherchent à identifier les risques pour les personnes, y compris les groupes vulnérables et à risque, plutôt que les risques pour l’entreprise. Dans la pratique, cela exige des entreprises un changement d’orientation dans leur analyse et leurs réponses au lieu d’adopter une simple approche de conformité légale. Pour s’y atteler, il convient de:

  • Organiser une veille juridique et des séances d’information règlementaires sur les affaires judiciaires et développement en cours.
  • Réaliser les évaluations nécessaires dans la perspective des nouvelles exigences en matière de rapports, telles que le salaire décent dans le cadre de la CSRD.

2. Mieux comprendre les risques et leurs causes

Les approches réglementaires incitent les entreprises à cartographier et à comprendre leur évaluation de manière plus approfondie. Pour s’y atteler, il convient de:

  • Effectuer des analyses de risques et des évaluations de l’impact sur les droits humains.
  • Réaliser une analyse des lacunes pour examiner les processus existants et s’assurer qu’ils sont conformes aux attentes.

3. Élaborer des stratégies axées sur les personnes et définir des priorités d’action

Examiner comment l’entreprise peut être impliquée dans ces questions par le biais de ses activités et de sa chaîne de valeur au sens large. Bien que les entreprises doivent prendre en compte tous les risques liés aux droits humains, les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, conseille de donner la priorité aux problèmes les plus importants (gravité + probabilité d’occurrence) en matière de droits humains. L’analyse doit être permanente et tenir compte de l’évolution du contexte (par exemple, escalade des conflits ou autres événements importants). Une fois identifiées, les entreprises peuvent:

  • Structurer leurs communication sur les droits humains en fonction des questions les plus importantes;
  • Élaborer des plans d’action fondés sur ces priorités;
  • Élaborer des politiques et des structures de gouvernance efficaces, en brisant les cloisonnements internes au sein des organisations et en engageant la direction Générale.

4. Prendre des mesures efficaces et percutantes en allant au-delà de l’audit

Il est impératif d’élaborer des mesures d’atténuation et d’adaptation plus efficaces, centrées sur les personnes et sensibles aux éventuelles conséquences involontaires. Il a été largement rapporté que les audits sociaux et les certifications sont inefficaces et ne parviennent pas à détecter les risques en matière de droits humains et à y remédier. Les entreprises et les investisseurs ne devraient pas considérer les audits comme une preuve suffisante de diligence raisonnable. Un niveau supplémentaire d’examen et de vérification est nécessaire lorsqu’il est incorporé dans les pratiques existantes. Pour s’y atteler, il convient de:

  • Mettre en œuvre des solutions d’audit (la solution numérique Sutti de Ksapa notamment) afin de mesurer et de soutenir les rapports sur les performances en matière de droits humains, conformément aux exigences et normes légales existantes et à venir, et aux meilleures pratiques.
  • S’engager dans le renforcement des capacités et la formation du personnel et des fournisseurs de l’entreprise. C’est l’approche la plus efficace pour renforcer l’alignement sur les attentes et les pratiques, et atténuer les risques connexes en conséquence.

5. Intégrer les droits humains dans l’action climatique des entreprises

Le changement climatique étant l’un des risques les plus importants pour les droits humains, la réponse à ce défi doit aller au-delà des émissions de carbone. Cette transition écologique doit être fondée sur les droits et tenir compte des risques pour les personnes et les communautés concernées. A cet effet, il convient de:

  • Procéder à un contrôle préalable renforcé dans la chaîne d’approvisionnement de la transition écologique, en particulier dans les zones signalées comme présentant des risques, afin de mieux identifier et comprendre ces risques.
  • Élaborer une approche qui s’intégrera dans les processus de l’entreprise afin de traiter et d’atténuer les problèmes importants tels que le travail forcé dans le cadre de la transition écologique.
  • Renforcement des capacités et formation du personnel et des fournisseurs de l’entreprise.

6. Aux investisseurs – les évaluations ESG et les considérations sociales ne sont plus des « tendances »

Le secteur financier doit également opérer de manière à ne pas causer ou contribuer à des impacts réels ou potentiels sur les droits humains, qui sont liés à de nombreuses étapes de l’investissement et dans tous les secteurs.

  • Adopter une approche stratégique des droits humains
  • Faire preuve de diligence raisonnable en matière d’ESG, évaluer les impacts, les risques et les opportunités, et intégrer les résultats dans la prise de décision d’investissement.
  • Imposer aux entreprises en portefeuille des obligations de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’accès aux voies de recours.
  • Entreprendre ses propres vérifications préalables en matière de droits humains dans des secteurs ou des opérations spécifiques à haut risque.
  • Aller au-delà des audits – Élargir l’engagement avec les parties prenantes afin d’être mieux informé sur l’identification, l’évaluation et la gestion des questions importantes. 
  • Intégrer les droits humains dans les investissements liés au climat. Par exemple, envisager un désengagement responsable des combustibles fossiles.
  • Par le biais d’une gestion active et d’une surveillance du conseil d’administration.
  • Ksapa a développé une boîte à outils pour guider la diligence raisonnable en matière de droits de humains en travaillant avec 14 sociétés de capital-investissement. Cette boîte à outils peut aider toute société de gestion de fonds à comprendre les attentes et à renforcer les processus en conséquence.

Parler d’un « parcours des droits humains » en 2024 ne suffit plus; les actions auront plus de poids que les mots et, dans certains cas, les entreprises seront également tenues responsables de leurs propos.

Krystel Bassil
CONSULTANTE SENIOR, Droits Humains | Autres articles

Krystel est consultante senior, contribuant aux missions de conseil et de participation de débat public de Ksapa. Elle agit principalement sur les sujets de droits humains et plus généralement sur la durabilité. Elle est également juriste senior au sein du département « Human Rights & Business » du Syrian Legal Development Programme (SLDP). Auparavant, Krystel a travaillé comme consultante en Business and Human Rights, conseillant des experts de premier plan sur un large éventail de projets dans le secteur privé, les organisations internationales et les institutions universitaires. Elle a été admise au barreau de Beyrouth et a travaillé comme avocate dans le domaine de l'arbitrage international et des droits humains. Krystel est titulaire d'un LL.M. de la SOAS, School of Oriental and African Studies, Université de Londres, d'un diplôme de droit public de l'Université Saint-Esprit de Kaslik, Liban, et d'un diplôme de sciences politiques de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'arabe.

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