Loi Pacte: La compétitivité des entreprises passe par une incitation à concilier rentabilité et intérêt général

#LoiPacte: La compétitivité des entreprises passe par une incitation à concilier rentabilité et intérêt général

Cet article mis à jour a initialement été publié sur Linkedin ici

La crise de 2007 a montré les errements du capitalisme financier et les dégâts provoqués par la maximisation du profit à court terme. Le scandale Lactalis 10 ans plus tard alimente la suite d’épisodes participant à isoler l’entreprise du reste de la société, à dégrader continuellement sa crédibilité auprès de ses salariés, de ses clients et du grand public. Quel chef d’entreprise peut sérieusement espérer alimenter la compétitivité de son outil économique sans s’adapter à ce contexte de défiance majeure et persistante?

1.  L’entreprise réussit lorsqu’elle est au service de ses marchés et de ses clients. Pas lorsqu’elle campe sur ses intérêts personnels

La loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) offre l’occasion de renouveler en profondeur les principes sous-tendant les méthodes de management autour d’une idée simple: l’entreprise réussit lorsqu’elle est au service de ses marchés et de ses clients. Pas dans un comportement prédateur vis-à-vis de ses marchés et de ses clients!

La question environnementale est un bon exemple. Depuis 30 ans, les signaux convergents sont alarmant en matière de pollution de l’air. Depuis 15 ans l’urgence climatique s’impose de manière exponentielle dans les débats publics, la mobilisation financière et les attentes des salariés comme des clients.

Ce schéma montre que la performance boursière d’une sélection d’entreprises investissant massivement sur « les énergies propres » est nettement supérieure à une sélection d’entreprises dont le modèle reste principalement tourné vers les énergies fossiles.

L’entreprise qui comprend que le monde change et fait évoluer son offre de services pour répondre aux attentes sociales et environnementales de ses marchés fait de l’innovation, de la compétitivité. Le schéma montrent même que cela peut se valoriser en bourse…

2.  Inciter les entreprises à intégrer la complexité environnementale et sociale de ses marchés et produits est un outil de compétitivité

Pour comprendre un monde en pleine mutation, et transposer cette nouvelle complexité dans la réalité de l’entreprise, il faut de l’expertise, de la gouvernance et des processus.

Une direction d’entreprise ne peut tout simplement pas arriver seule, sans s’appuyer sur une gouvernance modernisée, à appréhender et intégrer la complexité environnementale et sociale dans sa stratégie et ses programmes.

Parce qu’il y a des questions que ses cadres et collaborateurs ne se posent jamais. Parce que les problématiques sont transverses et qu’il est difficile de consolider une vision globale et locale des problèmes. Parce que les signaux faibles sont écartés justement parce qu’ils sont faibles, alors qu’ils peuvent se révéler infiniment plus critiques pour l’avenir de l’entreprise que des signaux fort relayés par les personnes de pouvoir dans l’entreprise…

L’entreprise, quelque soit sa taille, a besoin de bénéficier d’une vision à 360 degrés de son activité, dans toutes les dimensions économiques, sociales et environnementales de ses activités. Le livre Entreprises et ONG – L’innovation par la coopération (2004)introduisait déjà au concept de système nerveux sociétal nécessaire à la modernisation du pilotage managérial de toute entreprise.

3. Mettre les parties prenantes en face de nouvelles responsabilités juridiques sociales et environnementales

En réponse, les discussions actuelles sur la réforme d’un code civil rédigé il y a plus de 200 ans pour l’adapter aux évolutions de la société sont intéressantes :

  • Conserver le statut actuel, c’est sanctuariser une gouvernance d’entreprise inadaptée au monde d’aujourd’hui. C’est refuser d’inciter toutes les entreprises à intégrer les questions environnementales et sociales comme levier d’innovation et de compétitivité pour laisser ces questions complexes à une poignée de leaders sans tenter d’en faire un mouvement historique. C’est exposer les entreprises à des risques juridiques nouveaux – par exemple portés par les questions climatiques ou droits de l’Homme – sans inciter les entreprises et notamment les plus petites à moderniser leur système de gouvernance et de management pour mieux appréhender les sujets et nourrir leur compétitivité autour des questions environnementales et sociales servant l’intérêt général
  • Modifier les articles 1832 et 1833 du code civil, c’est forcer la gouvernance d’entreprise à se moderniser et entrer de plain pied dans la complexité du 21e siècle. Pour autant cela n’a aucun sens si c’est prescriptif sans laisser l’entreprise, selon sa taille et ses enjeux, clarifier le type de nouvelle gouvernance élargie dont elle a besoin. Surtout, il s’agit alors également de préciser la responsabilité juridique à donner à des parties prenantes vis-à-vis de l’entreprise sur les questions environnementales, sociales et sociétales: actionnaires et clients par exemple.

Le plus important dans ce débat: quelle responsabilité juridique donner non pas seulement à l’entreprise mais également à ses parties prenantes? Responsabiliser l’actionnaire pour qu’il exige de la résilience climatique là où il investit. Responsabiliser le client pour qu’il exige des produits et services servant l’intérêt général.

4. Loi Pacte. Nouvelle gouvernance incitant les entreprises à créer de la compétitivité alliant rentabilité et intérêt général?

Désormais, dans une société qui en appelle à la transparence et entend réinventer la rencontre entre les entreprises, les marques et leurs publics en s’appuyant sur de nouvelles formes de dialogue – dont le développement durable est une tendance lourde – les entreprises doivent apprendre à définir des modes de décision et de dialogue passant d’un flux essentiellement descendant à un réseau multi émetteurs et multi récepteurs. Le législateur doit moderniser la gouvernance, mais aussi la responsabilité juridique des parties prenantes pour créer l’écosystème nécessaire porteur de rentabilité et d’intérêt général à la fois.

L’Allemagne a cherché à faire évoluer le « Made in Germany » pour y intégrer une qualité environnementale et sociale plus forte. La loi Pacte offre une opportunité de surfer sur le « France is back » et ancrer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises comme levier de compétitivité d’une qualité « Made in France » capable de réussir à l’international.

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Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.

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