Cet article mis à jour a été initialement publié sur Le Cercle Les Echos ici
Parcoursup, Facebook, équipementiers chinois… la défiance et les scandales qui jalonnent le développement de l’économie digitale se multiplient. C’est très instructif et offre une nouvelle arme concurrentielle pour les entreprises françaises : la transparence portée par différents outils de reporting extra financier!
Technologie : je t’aime, moi non plus
De la voiture individuelle à la régulation du chauffage collectif d’un bâtiment intelligent, en passant évidemment par le smartphone, les solutions technologiques envahissent progressivement le quotidien de tout un chacun. Nos sociétés sont alors prises en étau entre deux tensions contradictoires, mais réelle:
– D’une part, il reste un fond de cartésianisme dans notre société française, structurant notre approche aux défis contemporains. La technologie serait capable de rendre l’humanité « comme maître et possesseur de la nature ». Par exemple, à l’instar de la création des pôles de compétitivité, c’est l’innovation, notamment technologique, qui est censée redonner à la France sa croissance, ses emplois et un développement durable
– D’autre part pourtant, se développe une méfiance grandissante vis-à-vis des technologies, créatrices de problèmes autant que de solutions. Les débats animés autour des algorithmes responsables de l’affectation des bacheliers dans les universités durant l’été 2018 ont été instructives à ce sujet.
Cette double tension est d’autant plus exacerbée que le phénomène d’obsolescence accélérée des technologies associée au développement exponentiel du Big Data et de l’Intelligence Artificielle rend la compréhension des technologies assez difficile d’accès. Dans un contexte où il est presque impossible d’anticiper les impacts positifs ou négatifs créés par le développement de nouvelles technologies, la méfiance est de mise.
Par exemple, on montre souvent le taux de couverture en téléphonie comme un facteur de développement. La Biélorussie progresse sur cet index depuis la fin de l’Union soviétique. Pourtant l’opérateur suédois Telia qui a géré une partie de la téléphonie biélorusse dans les années 2000 a été victime d’un scandale montrant comment il coopérait avec les autorités pour surveiller la population et empêcher tout mouvement de foule contre le régime en place. Voilà bien un exemple montrant comment un facteur de développement peut facilement se transformer en vecteur de répression…
L’exemple des équipementiers télécom : pas de confiance ? Fermeture de marchés !
Dans ce contexte, l’exemple de la méfiance autour de Huawei et de ZTE aux États-Unis est intéressant : l’absence de confiance dans la sûreté des technologies, la méfiance entre les interlocuteurs, viennent créer une spirale néfaste aux affaires. Ou au contraire, cet exemple peut aussi servir de leçon pour créer une dynamique plus positive de confiance comme nouveau levier de compétitivité pour les entreprises capables de mieux faire œuvre de transparence et créer la confiance avec leurs interlocuteurs :
– Au-delà d’enjeux éminemment politiques entre les États-Unis et la Chine, de la posture protectionniste américaine, et du contexte électoral américain actuel, les autorités américaines expriment des craintes pour leur sécurité si les autorités chinoises s’avéraient utiliser ces entreprises comme chevaux de Troie pour espionner et intervenir sur leurs systèmes informatiques. C’est bien un angle que les autorités américaines peuvent objecter même en arbitrage OMC en leur faveur.
– Le problème dépasse d’ailleurs le strict cadre politique américain. Les Canadiens ont pris la même décision. Les autorités françaises se posent des questions.
– En réponse, les acteurs chinois concernés n’ont pas réussi à faire œuvre de suffisamment de transparence pour étayer les doutes. British Telecom (BT), qui est un important client de Huawei a répondu à des critiques similaires exprimées au Royaume-Uni l’an passé. BT a mis en place un processus d’analyse approfondie des solutions technologiques chinoises. BT n’a pas exprimé de réserves quant à leur fiabilité.
En fait, l’absence de confiance dans ce cas est davantage une question de processus que de résultat. Difficile de juger le résultat : BT annonce qu’il n’y a pas de problème, mais après tout, l’obsolescence technologique est rapide – comment savoir si BT se pose les bonnes questions techniques en analysant les produits de Huawei et ZTE ?
Faire œuvre de transparence, créer de la confiance, gagner des marchés
Fin 2018, une étude menée sur une vingtaine des principales économies du monde par Pew Research, montre que les trois principaux sujets de préoccupations des citoyens (qui sont aussi des consommateurs et des électeurs…) sont les suivants : le changement climatique, le terrorisme et… la cybercriminalité.
La cybersécurité pose des questions de société comme la gestion de la confidentialité des données (comment savoir si les données collectées peuvent être utilisées contre un Internaute par exemple ?) des questions d’innovation (comment protéger la propriété intellectuelle ?), et des questions de respect des droits de l’Homme (dans un monde où tout est de plus en plus connecté, comment assurer une surveillance efficace permettant de parer par exemple des attaques terroristes tout en respectant la liberté d’expression des utilisateurs ?), mais aussi bien évidemment des questions de sécurité des données les plus sensibles (liquidités financières, fichiers clients sensibles…). Les difficultés de certaines entreprises chinoises à créer de la confiance sur un sujet aussi sensible que celui de la fiabilité des technologies ouvrent une fenêtre de réflexion intéressante pour les entreprises françaises :
– Pour gagner des marchés, il faut déjà avoir confiance en soi ! Les entreprises n’arrivent plus à donner un sens aux carrières de leurs salariés. Elles peinent aussi à trouver des repères fiables dans leurs marchés pour étayer leur prise de décision. Des outils simples permettent de revenir à des fondamentaux, en repositionnant l’entreprise comme vecteur de développement et d’épanouissement de la société. En ce sens, la Charte Internationale des Droits de l’Homme est porteuse de valeurs pour la société autant que pour l’entreprise.
La publication par les Nations Unies des « Principes Directeurs des Entreprises Multinationales en Matière de Droits de l’Homme » offre un cadre permettant à n’importe quelle entreprise d’identifier les facteurs de risques et d’opportunités portés par ses activités sur les droits de l’Homme, de mieux les gérer et avoir un dialogue constructif avec les partenaires nécessaires. L’idée étant d’alimenter un processus de confiance créateur d’opportunités commerciales que ces industriels chinois n’arrivent pas encore à bien maîtriser…
– Pour faire œuvre de transparence, il faut un cadre offrant de la comparabilité. Fournir à ses clients de l’information extra financière ESG démontrant la capacité de l’entreprise à identifier des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance catalysant le succès ou permettant de mieux gérer le risque n’est pas une contrainte. C’est un processus créant de la confiance avec les clients et les partenaires économiques. Différents dispositifs réglementaires de reporting extrafinancier encourage les entreprises à collecter et analyser les données sociales, environnementales et de gouvernance pour faire oeuvre de transparence: loi Sapin 2, devoir de vigilance, recommandations TCFD, DPEF / Déclaration de Performance Extra-Financière, CNIL et RGPD…
Dans un contexte de méfiance mélangé d’appétit pour les technologies et l’intégration du Big Data dans les processus en cours de transformation digitale des entreprises, la question de la transparence est un atout concurrentiel. Puisque les entreprises françaises font œuvre de reporting et ont une avance sur ces questions, autant en faire un avantage concurrentiel pour gagner des marchés en gagnant la confiance des clients et leurs utilisateurs finaux!
Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.