ICTforAg : Solutions digitales et carbone pour l'agriculture du Sud

ICTforAg: Solutions digitales et carbone pour l’agriculture du Sud

Propos liminaire :

Ce contenu a été présenté en introduction d’une session co-organisée par GIZ et Ksapa à la conférence internationale ICTforAG (Informations & Communication Technologies for Agriculture, soutenue par les gouvernements américain & allemand au travers d’US AID / Feed the Future & GIZ) : « Leveraging digital solutions & carbon finance: A game changer to engage smallholders in the transition towards regenerative agriculture »

Retrouvez le replay ici et les passionnantes interventions des différents intervenants suivants :

  • Dr. Lakshman Rodrigo, Director, Rubber Research Institute of Sri Lanka
  • Johannes Mössinger, Unique Landuse
  • Dr. Mio Oka, Director, Environment, Natural Resources and Agriculture Division, South Asia Department – Asian Development Bank (ADB)
  • Margreet Muizebelt, Founder & Financial Specialist, Acorn Rabobank
  • Christian Chateauvieux, Director of Digital Solutions, Ksapa
  • Dr. Christina Tewes-Gradl, Managing Director, Endeva
  • Frank Sloot, Co-Founder, ESTI-impact
  • Michael Anthony, Co-Founder, Earth Analytics India
  • Raphael Hara, Managing Director, Ksapa

***

La nécessité de favoriser l’émergence de systèmes économiques non seulement responsables et résilients – mais également régénératifs pour l’environnement comme pour le tissu social – constitue une piste de plus en plus incontournable au regard des enjeux auxquels nous faisons face.

L’agriculture régénératrice, une piste prometteuse

Dans ce cadre, l’agriculture régénératrice apparaît comme une des solutions les plus prometteuses et concrètes pour la transition écologique et sociale, et ce pour plusieurs raisons :

  • L’accélération des dérèglements climatiques engage à repenser le rôle de l’agriculture dans la séquestration de carbone et l’évitement de l’émission de gaz à effet de serre alors que le secteur agricole et forestier représente 24% des émissions de gaz à effet de serre mondiaux
  • L’adaptation à ces dérèglements climatiques nécessite de remodeler les équilibres des exploitations et d’en améliorer la résilience
  • L’épuisement des sols engendre une baisse des rendements sur les terres exploitées,
  • Or l’augmentation prévisible de la population mondiale à 9 à 10 milliards rend nécessaire d’inverser ce mouvement,
  • D’autant qu’il est impératif que l’évolution de la production agricole évite d’engendre une accentuation de la déforestation
  • Les populations agricoles sont globalement en vieillissement accéléré et peinent à se renouveler, et l’inclusion sociale des femmes et des jeunes est un défi majeur
  • 78% des personnes les plus pauvres vivent et travaillent dans les zones rurales et sont principalement dépendant des activités agricoles.
  • L’action sociale et la perspective de meilleures conditions de vie et de travail sera clé pour conserver les jeunes générations en zone rurale

Autant de raisons essentielles visant à favoriser la meilleure utilisation des terres existantes, la restauration des sols et l’introduction de pratiques permettant une meilleure santé environnementale comme des perspectives d’activités plus efficaces et équitables… rendant la piste de l’agriculture régénératrice d’autant plus pertinente.

Pourtant, l’adoption de l’agriculture régénératrice reste bloquée au stade du passage à l’échelle et notamment semble peiner à s’implanter au premier niveau des chaînes de valeur agricoles, au niveau des petits fermiers.  

L’explosion attendue des marchés carbone volontaires

D’un autre côté, les marchés carbone (VCM – Voluntary Carbon Markets) dits volontaire rentrent dans une décennie prometteuse quoique probablement agitée.

Les anticipations d’évolution du marché global vont ainsi de 50 à 150 milliards dans 10 ans, pour un marché ayant atteint pour la première fois le milliard de dollars en 2021… S’ils sont nécessairement corrélés aux marchés carbone règlementés, ils en demeurent toutefois autonomes.

Autant dire qu’il est vraisemblable qu’une certaine confusion s’installe. Le seul moyen d’éviter les accusations de green ou SDG washing sera d’établir la solidité de la démarche dans l’impact social apporté ainsi que la réelle additionalité des démarches mises en oeuvre.

Le segment AFOLU (Agriculture, Foresterie) continuera à représenter une partie significative des programmes carbone mais devra de plus en plus intégrer les chaînes d’approvisionnement fragmentées où interviennent des centaines de millions de petits fermiers.

La transition juste, un impératif

En effet, la transition environnementale ne pourra prendre corps que si elle s’inscrit dans un cadre de justice sociale.  Il n’y aura pas de transition climatique possible si elle n’est pas juste.

Ainsi, l’inclusion des petits fermiers dans ce développement à venir de la finance carbone est un impératif, tout autant pour des raisons d’équité que d’acceptabilité.

Dans ce cadre, il est impératif de compléter le développement de nouveaux projets et de concentrer également l’action sur les exploitations existantes, pour favoriser les changements de pratique et l’adoption de l’agriculture régénératrice, et profiter de l’essor anticipé des marchés carbone volontaires pour en augmenter la surface tout en apportant impact environnemental réel et redistribution de valeur.

Par ailleurs, c’est également une opportunité pour inscrire dans le temps les projets de développement, en leur donnant des moyens de perdurer et de s’autofinancer pour profiter à plein de leurs efforts de mise en place, même en cas de non-renouvellement ou de diminution de leurs crédits de fonctionnement, ceci au moyen des marchés de compensation.

Tous ces éléments constituent autant d’excellentes raisons pour que les tentatives d’inclure de plus en plus les petites exploitations dans les projets de la finance carbone puissent inclure les petites exploitations, notamment dans les pays émergents et en développement, et favoriser la transition vers l’agriculture régénératrice.

De nombreux obstacles … que les solutions digitales peuvent aider à franchir

Mais les barrières financières et opérationnelles sont nombreuses face à ce besoin :

  • Prix de la Tonne Equivalent Carbone longtemps anémique
  • Coût élevé pour la qualification et le monitoring des crédits comme pour les transactions
  • Incertitude des niveaux d’émission
  • Difficulté d’induire des changements de pratiques et d’inscrire dans la durée la participation des petits fermiers

Dans ce cadre, les solutions digitales doivent permettre, en couplant solutions avancées, low tech et science des données, de rendre abordables et efficients l’organisation et le pilotage de ces programmes carbone à fort impact social.

Il y a notamment trois niveaux de technologie permettant d’assurer l’efficacité des dispositifs mais également leur équité :

  • Validation, monitoring et émission des crédits :
    • E-learning
    • Capteurs & technologies IoT
    • Traitement satellite & données geolocalisées
    • Collecte de données
  • Approche de data science
    • Traitement des données anormales (outlier spotting)
    • Système de contrôle et gestion des risques de données incorrectes
    • Croisement avec sources externes
    • Vérifications de cohérence via des redondances et mise en perspective par rapport aux échantillons comparables, voire à l’historique de déclaration (filtres de Kalman)
  • Restitution des bénéfices liés aux crédits carbone générés
    • Rémunération en numéraire
      • Mobile money
      • Au travers d’investissements partagés au niveau des coopératives ou communautés de fermiers (ex : smart storage, drones, etc.)
    • Rémunération en nature
      • Systèmes de token pour accès à des produits (ex : intrants ou outils) ou services (ex : abonnement mobile, formation, micro-assurance, etc.)
      • Programmes à destination des communautés

Ces technologies sont à combiner et à adapter au cas par cas. Ainsi elles peuvent modifier significativement les obstacles financiers et opérationnels au développement de marchés carbone plus inclusifs comme à la transition vers l’agriculture régénératrice.

En élargissant le débat, ceci pourrait plus largement faire avancer l’opérationnalisation des mécanismes de valorisation des externalités (comme les marchés carbone volontaires en sont un exemple typique), dans des coalitions multi-parties prenantes ou au travers d’Impact bonds : au niveau social, comme les actions d’égalité hommes-femmes, ou environnemental, autour de la biodiversité par exemple.

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Après 20 ans d'expérience dans l'investissement et l'asset management, notamment immobilier, Raphaël Hara travaille sur les liens entre finance et durabilité, notamment au travers du développement et de la mise en œuvre de projets d'impact investing.

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