L'analyse de double matérialité : les différents principes à respecter

L’analyse de double matérialité : les différents principes à respecter

Aujourd’hui, les acteurs privés dans différents pays se voient soumis à plusieurs obligations réglementaires. Celles-ci concernent leurs engagements RSE, notamment d’un point de vue de reporting extra-financier. Ainsi, plusieurs outils accompagnent les entreprises dans leurs démarches de conformité dont l’analyse de matérialité.

Les réglementations existantes

La réalisation d’une matrice de double matérialité est un outil efficace pour répondre aux obligations réglementaires auxquelles les entreprises sont soumises. Voici quelques exemples d’obligations réglementaires et de références internationales qui peuvent influencer la réalisation d’une matrice de matérialité extra-financière :

  • Les normes de reporting international

Des normes internationales fournissent des recommandations pour la réalisation de rapports extra-financiers. Les entreprises peuvent, par exemple, se référer aux Standards de GRI (Global Reporting Initiative) et aux les Lignes directrices de l’ISO 26000 sur la responsabilité sociétale des organisations. Ces normes encouragent souvent l’identification des enjeux matériels pour l’entreprise.

  • Le questionnaire extra-financier et les directives européennes

Les questionnaires extra financiers comme la réponse au DJSI suppose la conduite d’un exercice de matérialité. Ce dernier devient alors une pratique courante des entreprises du Fortune 500 depuis une quinzaine d’années.

Ensuite, les directives européennes telles que la NFRD et bientôt la CSRD imposent des réglementations de conformité RSE aux entreprises. En effet, tous les pays de l’Union Européenne ont mis en place des directives ou des lois qui exigent que les entreprises réalisent des rapports non financiers. Ces rapports incluent plusieurs ascpects dont la responsabilité sociale et environnementale. Ces directives peuvent imposer la réalisation d’une matrice de matérialité extra-financière. Cette démarche permettra ainsi d’identifier et hiérarchiser les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance pertinents.

  • Les exigences sectorielles, différentes des directives gouvernementales

Certains secteurs d’activité spécifiques peuvent avoir des exigences réglementaires ou des normes volontaires qui obligent les entreprises à identifier et à communiquer sur les enjeux extra-financiers pertinents. Dans le secteur de l’énergie, il peut exister des réglementations sur la transparence et la communication des enjeux environnementaux et sociaux.

  • Règlementation sur la transparence

Les autorités de régulation financière dans certains pays exigent une plus grande transparence sur les risques extra-financiers, notamment en matière de changement climatique et de gouvernance. Cela peut inciter les entreprises à réaliser des analyses de matérialité et à rendre compte de manière transparente des enjeux identifiés.

Ainsi la conduite d’un exercice de double matérialité est devenu au fil des récentes décennies un incontournable. Elle permet de structurer la stratégie RSE d’entreprises de moins en moins grandes et de moins en moins astreintes à des obligations légales . C’est un exercice qui se généralise au travers des entreprises. La double matérialité repose sur la conjonctoin d’une analyse de matérialité financière et d’une matérialité d’impact. L’analyse dite financière est peu différente dans ses principes de ce qui est mis en place depuis 15 à 20 ans sur la matérialité. L’analyse dite d’impact s’inspire beaucoup des travaux de due diligence portés par des standards de l’OCDE et des Nations Unies depuis 10 à 15 ans. In fine, la double matérialité invite à assurer la convergence de ces travaux qui exige d’associer toutefois des méthodologies pointues et une robuste expertise.

Définition de l’analyse de matérialité

L’analyse de matérialité est un exercice clé dans la construction de l’ambition RSE d’une entreprise. Cet outil va guider la structuration de son reporting extra-financier. Préconisée par le GRI, par exemple, cette analyse consiste à identifier et hiérarchiser de manière cohérente les enjeux de développement durable en engageant chaque partie prenante (employés, fournisseurs, sous-traitants, clients, société civile…) de l’entreprise tout au long de l’exercice. En ressort entre autre, un format de matrice, qui est le résultat visuel et concret de la hiérarchisation des enjeux RSE.
L’exercice est complexe. Mais il assure un alignement, entre parties prenantes, des priorités de l’entreprise. Si le résultat visuel de matrice est simple, nous préconisons une bonne gouvernance de cet exercice qui devra se faire en plusieurs étapes clés.

L’identification des enjeux RSE

Les évolutions sociales et climatiques confirment le rôle que le secteur privé peut assurer pour participer à limiter les risques. Mais toutes les entreprises ne peuvent pas s’engager sur tous les sujets. Selon son activité, elle doit prioriser des domaines d’actions qui ont du sens.

Déterminer les enjeux RSE selon des référentiels internationaux

La première étape est donc de déterminer une liste d’enjeux environnementaux, sociétaux et sociaux sur lesquels elle pourrait travailler au regard de son activité et de la conjoncture. Pour cela, l’analyse de matérialité s’appuie sur la double priorisation de chaque enjeu. Autrement dit, le point de vue de l’entreprise est tout aussi important que celui de ses parties prenantes, internes et externes.

Afin de rester le plus pertinent et cohérent possible dans l’identification des enjeux, il est conseillé de se rapporter à des référentiels internationaux comme le GRI ou le Sustainability Accounting Standards Board (SASB). L’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) permet également de s’assurer que la liste des enjeux RSE proposée est conforme aux attendus réglementaires et couvre des aspects à la fois environnementaux, sociétaux et sociaux. Des enjeux sectoriels peuvent compléter les listes de sujets, comme le Global Real Estate Sustainability Benchmark (GRESB). Le GRESB est principalement propre au secteur de l’immobilier, par exemple.

Une fois, la liste exhaustive d’enjeux RSE établie, nous recommandons de l’affiner au mieux. Une liste de 50 enjeux RSE environ est conseillée. Celle-ci peut être divisée en catégories : climat, ressources humaines, risques financiers, éthiques, santé, innovation…

L’engagement des parties prenantes dans l’analyse de matérialité

L’analyse de matérialité permet d’élaborer une stratégie RSE cohérente mais également d’assurer une pleine transparence sur ses engagements auprès de ses parties prenantes internes (salariés, délégués syndicaux, comité d’entreprise…) et externes (fournisseurs, clients, investisseurs, associations…). Cet outil permet d’engager le dialogue et de prendre en compte les attentes des parties prenantes. La collecte d’informations et de priorisation peut prendre différentes formes : des questionnaires, des échanges, des consultations… Nous recommandons généralement d’avoir plusieurs formats afin de s’aligner au mieux avec les réalités opérationnelles de chacune des parties prenantes identifiées. L’objectif de l’entretien et du questionnaire est de présenter les enjeux RSE aux parties prenantes et de leur demander ensuite de les classer par niveau de priorité. A noter toutefois que dans la mise en place d’une double matérialité, l’EFRAG n’est pas prescripteur en matière d’engagement. La méthodologie reste donc à l’appréciation de l’expert et il convient d’explorer les différents avantages et inconvénients pour opter pour les choix méthodologiques assurant la robustesse du processus tout en remplissant évidemment l’attendu de conformité désormais attendu avec cet exercice.

Si un questionnaire est diffusé, de plus en plus d’outils informatiques proposent des formats et des modalités simples pour collecter ce type de retours. Il doit rester simple, accessible et rapide afin de pouvoir y répondre de manière efficace et pertinente. Son contenu pédagogique doit mettre en confiance l’interlocuteur et lui donner toutes les informations nécessaires pour lui permettre de bien y répondre.

Analyse des données

Une fois, la collecte de données finalisée, il faut passer à la prochaine étape : l’analyse de données. Cette étape assure la bonne hiérarchisation des enjeux RSE. Cela servira ensuite de base pour définir ou confirmer une ambition RSE et y associer le plan d’action adaptée.

La méthodologie de calcul est propre à chaque organisation : Quelle pondération choisir ? Est-il utile de calculer la moyenne ? Quel autre donnée peut-être utile ? Quels axes choisir pour la matrice de matérialité ? L’expertise et l’expérience dans la conduite de ces exercices est indispensable dans cette phase critique. Ce qui permet de travailler au mieux sur des critères de pondération répondant aux attendus réglementaires et aux meilleures pratiques du marché. C’est un travail méticuleux, mais une fois que la base est établie, la consolidation des données sera plus simple.

Construction de la matrice de matérialité

La matrice de matérialité est un outil visuel indispensable pour bien comprendre la priorisation des enjeux RSE. Elle ressemble à un nuage de points avec un point égale un enjeu. L’axe des abscisses représente généralement les attentes des parties prenantes externes. Alors que l’axe des ordonnées représente celles des parties prenantes internes. D’autres représentations graphiques plus créatives existent également. In fine, il convient d’organiser visuellement une priorisation relative d’enjeux RSE. Cette dernière assurera l’alignement des parties prenantes internes et externes concernant les priorités sur lesquelles l’entreprise doit focaliser ses efforts de transformation.

Prise en compte des enjeux de double matérialité

Depuis 2019 tout particulièrement et la mise en place de la SFRD s’est imposé dans l’Union Européenne le concept de « double matérialité ». Face aux nombreuses normes de reporting extra-financières exigées, les entreprises s’appuient sur ce concept pour conduire l’exercice. Les entreprises éligibles sont principalement les PME et les entreprises non basées dans l’UE désireuses de commercer avec l’UE. D’autres ressources de Ksapa sont dédiées à ce concept.

Finalement, la double matérialité tient compte de la relative importance des enjeux et également de l’exposition sectorielle. Cela assure que l’entreprise produise un effort de transformation qui soit à la hauteur de sa contribution sectorielle. Il y a 10 ans, si un enjeu comme la décarbonation était matériel, l’entreprise pouvait s’autoattribuer un objectif. L’objectif de décarbonation pouvait être de 20% sur 5 ans. La double matérialité impose de hiérarchiser les enjeux matériels à la fois du point de vue de l’entreprise, mais aussi du point de vue du positionnement sectoriel. Donc si la décarbonation demeure matériel du point de vue de l’entreprise, la thématique doit être calibrée sur un étalonnage prescrit par la science et ses prescriptions sectorielles. Possible alors que l’entreprise s’impose une double matérialité concluant à une décarbonation de 50% de périmètre 1 sur 3 ans. Elle justifiera son choix selon son secteur et la connaissance scientifique disponible. 

Partage des informations et mise en place de la stratégie RSE

Une fois l’analyse des données terminée et traduite dans la matrice de matérialité, il est important de partager les résultats avec les parties prenantes internes. Cette étape vérifie le bon alignement des résultats mais également identifie les informations clés qui découlent de cet exercice. Ces informations serviront à faciliter la définition de la stratégie RSE de l’entreprise.

Les résultats de l’analyse de matérialité peuvent également être partagés auprès des parties prenantes externes, principalement celles qui ont participées. Cela montre l’engagement de l’entreprise et permet de les investir dans la stratégie à mettre en place.

Finalement, l’analyse de matérialité permet de mesurer le niveau de performance et de fiabilité de l’entreprise. Mais surtout elle donne la part de contribution de l’entreprise aux ODD. Le partage des résultats et de la stratégie RSE sont également des bons outils de communication. L’entreprise pourra mettre en avant ses actions et son engagement commun.

Aller plus loin que l’analyse de matérialité

Afin que la stratégie ESG soit pertinente et reflète bien les résultats de l’analyse de matérialité, Ksapa conseille d’élaborer une feuille de route triennale. Cette dernière se recoupe en plusieurs étapes :

  • Le suivi de matérialité et des performances de l’entreprise. Ksapa préconise une mise à jour de la matrice tous les trois ans ninimum.
  • La communication des engagements en interne et en externe.

Tout au long du processus, Ksapa accompagne l’entreprise et apporte son expertise. Ksapa fournit des recommendations concernant les priorités, les objectifs, les actions à mettre en place et la stratégie de communication.

Solène Renard - Ksapa
Autres articles

Solène part of Ksapa's consulting team, working notably on human rights and sustainability.

With a keen interest for climate issues and circular economy, she has previously worked within Beiersdorf’s Sustainability Team where she tackled issues of responsible sourcing and human rights.

Solène holds a Master's in marketing and communication, as well as a master in creative industries and social innovation from the EDHEC Business School.

She speaks French, English and Spanish.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *