Entreprises : Dépasser les défis de la transition juste

La semaine dernière, Ksapa a participé à une table ronde sur le thème : “Delivering sustainability and social inclusion through community engagement”. Cet événement était organisé par l’ESSEC et LSE Ideas pour discuter de la gestion des risques et des opportunités au niveau local dans le cadre des stratégies d’impact social et ESG. L’occasion de revenir, dans cet article, sur les défis auxquels sont confrontées les entreprises dans leur action climatique, en particulier l’intégration des impacts sociaux dans le cadre plus large de la transition juste.

Transition juste qui est définie par l’Organisation Mondiale du Travail comme le fait de “rendre l’économie plus verte d’une manière qui soit aussi équitable et inclusive que possible pour toutes les personnes concernées, en créant des opportunités de travail décent et en ne laissant personne de côté”. Pourtant, l’action climatique des entreprises se limite souvent à la mise en place de procédures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette focale a tendance à occulter les autres problèmes environnementaux (préservation de la biodiversité, déforestation, accès à l’eau, etc.) ainsi que les enjeux sociaux (droits humains, inégalités sociales, discrimination, salaire décent, etc.).  

Penser la transition juste, c’est justement lier considérations sociales et environnementales afin d’assurer une transformation de l’économie qui ne délaisse personne.

Les défis de la transition juste

L’action climatique sans considérations sociales est une illusion. Or les entreprises éprouvent des difficultés à connecter les deux, faisant face à de nombreux défis que nous détaillons ici.

  • Défi n°1 : La planification. L’absence d’objectifs à court, moyen et long terme empêche de voir les connexions entre les enjeux liés au changement climatique et ceux liés aux considérations sociales. En pratique, il peut, par exemple, être compliqué pour des techniciens de s’adapter à la transformation de leur métier alors que change la source d’énergie de leur usine. Or cette adaptation aurait été facilitée par une intégration des impacts sur les métiers dès le début du processus.
  • Défi n°2 : L’engagement des communautés locales. Pour comprendre les enjeux liés à la transition juste, les parties prenantes doivent être embarquées rapidement dans les projets en lien avec l’action climatique. Si l’horizon réglementaire reste l’Accord de Paris de 2015, il est essentiel de traduire ces impératifs selon les besoins des personnes réellement affectées, et de placer celles-ci au cœur des initiatives. Il ne suffit pas d’identifier les parties prenantes et d’échanger avec elles, mais bien de collecter des données pertinentes grâce aux personnes sur le terrain. La participation des communautés locales est un moyen de prendre conscience des impacts sociaux potentiels. Par exemple, la trajectoire vers le « zéro net » dans les chaînes d’approvisionnement agricole nécessite de rapprocher fournisseurs et consommateurs. Dès lors, il faut penser les conséquences sur les communautés du premier kilomètre, ces travailleurs essentiellement localisés dans les principaux pays de production (Chine, Brésil, etc.). En effet, leurs conditions de vie et de travail seront nécessairement impactées si les activités de production s’arrêtent subitement.
  • Défi n°3 : L’éducation aux urgences planétaires. Il faut clarifier les termes clés de transition juste, communautés locales, droits humains, impact social, limites planétaires ; mais aussi savoir les appréhender de concert. Dans chaque entreprise, les fonctions clés et les fonctions opérationnelles doivent être formées aux enjeux liés à la transition juste. Il faut également souligner l’importance d’intégrer l’impact social chez les équipes sustainability, où l’accent est mis sur la décarbonisation et les objectifs de Paris, laissant souvent de côté de nombreux enjeux environnementaux et humains.
  • Défi n°4 : La coordination avec les pouvoirs publics. Les entreprises sont incapables d’assumer toutes les conséquences sociales, tout comme elles ne peuvent supporter à elles seules toutes les actions en faveur du climat. Les pouvoirs publics doivent prendre le relai pour anticiper et atténuer ces impacts.

L’ensemble de ces défis ne doit pas freiner la mise en place d’actions qui apparaissent de plus en plus urgentes. D’autant qu’il existe des leviers sur lesquels agir pour faciliter la transition juste. En voici quelques exemples. 

Les leviers de la transition juste

  1. Anticiper les réglementations. Les réglementations SFDR, Green Taxonomy, CSRD, CS3D de l’Union européenne fournissent un aperçu des obligations auxquelles seront confrontées les entreprises d’ici 2025. Ces dernières ont tout intérêt à prendre en compte ces réglementations au plus vite, afin de clarifier ce que recouvrent les considérations sociales, notamment le « S » de l’ESG.
  2. Sensibiliser aux enjeux climatiques et sociaux. Des études de cas tirées des enjeux réels auxquels l’entreprise est confrontée peuvent être utilisées pour éduquer les décideurs – y compris les conseils d’administration – et favoriser une compréhension holistique de l’action climatique et de ses conséquences sociales.
  3. Repenser l’organisation des fonctions clés. Comme pour beaucoup d’autres sujets, la restructuration des organisations pour éviter les silos d’expertise est la bienvenue. Les approches collaboratives et les décisions basées sur des équipes interdisciplinaires plus nombreuses sont indispensables.
  4. Mesurer les bénéfices. De nouveaux indicateurs basés sur les réglementations et normes de reporting extra-financier de l’UE doivent être créés afin de mesurer leur impact positif. Il est primordial d’embarquer les acteurs financiers qui ont historiquement investi dans les énergies fossiles – investissements qui continuent à générer les plus grands profits. La solution : démontrer les bénéfices des actions climatiques et sociales pour amorcer un réel changement dans les pratiques. 

Conclusion

La transition juste doit être pensée en symbiose avec l’action climatique. Ce sont les considérations sociales et environnementales dans leur ensemble qui permettront une transformation des activités viable sur le long terme. Pour y arriver, la transformation doit s’appuyer sur les parties prenantes, et notamment sur les communautés locales. Une collaboration qui est nécessaire pour avoir un accès direct aux informations et engager un changement concret. Un changement qui devient inévitable, la réglementation de l’Union européenne se faisant de plus en plus stricte et les enjeux climatiques et environnementaux de plus en plus pressants.

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Séphora est une consultante senior qui contribue aux activités de conseil et de plaidoyer de Ksapa. Elle travaille principalement sur les droits humains, le changement climatique et les questions de durabilité, ainsi que sur l'analyse et le suivi de la réglementation européenne et internationale.

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