Conformément aux Principes Directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, toute entreprise a la responsabilité de respecter les droits humains dans le cadre de l’ensemble de leurs activités, quelle que soit leur taille, leur secteur, leur lieu d’implantation, leur régime de propriété ou leur structure. Cette responsabilité implique de faire preuve de diligence raisonnable et d’intégrer une processus de vérification et d’analyse robuste et conforme. Notamment pour les acteurs du capital-investissement qui sont aux premières loges à chaque décision d’investissement réalisées. Retour sur nos travaux réalisés avec France Invest et partagés dans ce webinaire.
Pourquoi les investisseurs sont-ils concernés par les enjeux de droits humains ?
« Les droits humains sont les droits inaliénables de tous les êtres humains, sans distinction aucune, notamment de race, de sexe, de nationalité, d’origine ethnique, de langue, de religion ou de toute autre situation. Les droits humains incluent le droit à la vie et à la liberté. Ils impliquent que nul ne sera tenu en esclavage, que nul ne sera soumis à la torture. Chacun a le droit à la liberté d’opinion et d’expression, au travail, à l’éducation, etc. Nous avons tous le droit d’exercer nos droits humains sur un pied d’égalité et sans discrimination. »
Nations Unies
Les responsabilités des investisseurs en matière de droits humains
Au cœur du programme universel sur le développement durable, l’Agenda 2030, 17 objectifs de developpement durable ont été fixés. Ces ODD couvre un large panel d’enjeux de durabilité, notamment le sujet du respect des droits de l’homme avec l’objectif 1 sur la pauvreté ou l’objectif 8 sur le travail décent. Ainsi, « réaliser les droits humains pour tous » s’applique aux entreprises mais également aux investisseurs en intégrant leurs activités opérationnelles et les conséquences réelles ou potentielles de leurs investissements.
Afin d’atténuer le risque de non-respect des droits humains, les investisseurs doivent remplir plusieurs conditions :
- Adopter une politique d’engagement sur le respect des droits humains
- Activer un processus de diligence raisonnable en implantant cette politique d’engagement au sein de leur gouvernance et de leur système de gestion, en prévenant et atténuant les risques négatifs, en suivant la gestion permanente des conséquences en matière des droits de l’homme et en communiquant auprès des parties prenantes.
Ces deux conditions sont soutenus par des régulations européennes robustes et précises sur le respect des droits humains.
Implications clés de la diligence raisonnable en matière de droits humains pour les investisseurs
Les principes pour l’investissement responsable (PRI)
Les Principes pour l’Investissement Responsable, soutenus par les Nations Unies, incitent les investisseurs à considérer les questions environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) dans leurs gestion d’actifs financiers. Ainsi, les PRI estiment que la création de valeur à long terme passe par un système financier mondial durable et efficace du point de vue économique. Voici les six principes fondamentaux à respecter :
- Prise en compte des questions ESG dans les processus d’analyse et de décision en matière d’investissement
- Prise en compte des questions ESG dans les politiques et pratiques d’actionnaires
- Demander aux entités détenues de publier des informations sur les questions ESG
- Favoriser l’acceptation et l’application des Principes auprès des acteurs de la gestion d’actifs
- Collaborer pour accroitre l’efficacité de l’application des Principes
- Rendre compte individuellement des activités et des progrès dans l’application des Principes.
Finalement, adopter ces six principes signifie améliorer la performance des portefeuilles d’investissement, éviter les violations de droits humains dans les décisions d’investissement et respecter les réglementations du marché.
Les investisseurs se heurtent à un enjeu de conformité
Les années 2023 et 2024 marquent un tournant pour les entreprises en matière des droits humains avec un renforcement des régulations existantes et l’entrée en vigueur de plusieurs nouvelles directives. Face à ce durcissement de la loi, le marché se voit de plus en plus régulé et les entreprises et investisseurs se heurtent à un enjeu de conformité.
En effet, voici les différentes régulations auxquels les investisseurs se voient soumis afin de répondre à l’enjeu du respect des droits de l’Homme :
- Le principe DNSH ( « Do Not Significant Harm » ou « absence de préjudice important ») permet de prévenir des processus d’investissement menant à des violations des droits humains afin de garantir une transition verte de l’économie de l’UE respectant les droits humains. Il vient compléter la Taxonomie Européenne en imposant aux acteurs économiques et financiers de ne causer aucun préjudice aux six objectifs environnementaux qui déterminent la durabilité d’une activité. Ces objectifs sont:
- Atténuation du changement climatique
- Adaptation au changement climatique
- Utilisation durable et protection des ressources aquatiques
- Transition verte vers une économie circulaire
- Contrôle de la pollution
- Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes
- Le règlement SFRD (Sustainable Finance Disclosure Regulation) aborde le sujet de la publication d’informations de durabilité dans les secteur des services financiers. En effet, selon l’article 2(17), les investisseurs affirmant avoir réalisé un investissement durable doivent démontrer que :
- Il s’agit d’un investissement dans une activité économique qui contribue à un objectif environnemental ou social;
- L’investissement ne porte pas significativement atteinte à des objectifs sociaux ou environnementaux
- Les entreprises bénéficiaires d’investissements suivent de bonnes pratiques de gouvernance
- La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D) ou le devoir de vigilance européen impose aux entreprises de reporter sur les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement présents dans toute leur chaîne de valeur.
Face à ces nombreuses régulations, les acteurs économiques et financiers, notamment du capital-investissement, se perdent. C’est pourquoi l’OCDE propose une méthodologie à adopter pour appréhender le devoir de vigilance.
Méthodologie en 5 étapes de l’OCDE sur le devoir de diligence
Les lignes directrices de l’OCDE permettent aux entreprises et aux investisseurs d’être conformes aux principes de DNSH et d’éviter le greenwashing.
Afin d’accompagner les investisseurs dans l’adoption de ces bonnes pratiques, Ksapa a crée une boite à outils décrivant le processus et les étapes à suivre.
La boite à outils de droits humains
Le Groupe de travail « Durabilité dans la chaine de valeur »
En 2023, Ksapa a eu l’opportunité d’animer un groupe de travail intitulé « Durabilité dans la chaine de valeur » en collaboration avec une association professionnelle spécialisée dans la promotion du capital-investissement, France Invest. Ce groupe de travail a regroupé 14 sociétés de gestion. L’objectif était de les accompagner dans la bonne compréhension des problématiques sur les droits humains et développer une boite à outils. Cette dernière leur détaille ainsi les bonnes pratiques à adopter dans l’intégration des enjeux de droits humains dans leurs décisions d’investissement.
Les objectifs de la boite à outils
Ksapa a créé une boite outils permettant de guider les acteurs du capital-investissement dans les processus de diligence raisonnable. Elle s’appuie sur les différentes normes et régulations internationales et croise les dimensions essentielles des droits humains, les détenteurs de droits, les activités de l’entreprise et le pays d’opération.
La boite à outils a pour objectifs de :
- Etre adaptable à toute taille d’entreprise
- Clarifier les droits humains
- Clarifier les réglementations sur le respect des droits humains
- Aider les investisseurs à cartographier les risques liés aux droits humains et à agir sur les problèmes potentiels en question
- Etre opérationnel, concret et simple
Ksapa s’appuie notamment sur des standards et référentiels de base tels que la SASB et le MSCI mais surtout sur les ESRS définis par l’EFRAG qui permettent de structurer sa stratégie de développement durable.
L’analyse de la chaine d’approvisionnement est un travail long et méticuleux mais permet aux investisseurs d’identifier les risques de droits humains et de les prioriser et de définir une feuille de route et un plan de remédiation.
Les bonnes pratiques à suivre de la boite à outils
En suivant ces étapes et en les adapatant au secteur d’activité de la société détenue, les investisseurs sont capables de réduire significativement les risques risques liées aux enjeux de respects des droits humains. A travers cette démarche proactive, les acteurs de capital-investissement évaluent mieux les risques de drois humains et à intégrer les considérations relatives aux droits humains dans leurs décisions d’investissements.
Finalement, les entreprises de capital-investissement sont directemment concernées par les enjeux de droits humains mais également par les autres enjeux de développement durable. La méthodologie détaillée dans l’article peut également servir à donner des guidelines dans l’évaluation d’autres risques de développement durable (changement climatique, salaire décent, atteinte à la biodiversité…). De plus, en recourant aux standards internationaux, principalement aux ESRS de l’EFRAG, les acteurs publics et privés, et pas seulement les investisseurs, appréhendent mieux les enjeux de durabilité et de conformité. En effet, la conformité est un sujet au devant de la scène en 2024 avec la nouvelle régulation européenne CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive).
Pour en savoir plus :
- Contactez-nous : contact@ksapa.org
- Rendez-vous sur nos articles et publications relatifs aux droits humains : https://ksapa.org/fr/mobiliser/publications/
Solène part of Ksapa's consulting team, working notably on human rights and sustainability.
With a keen interest for climate issues and circular economy, she has previously worked within Beiersdorf’s Sustainability Team where she tackled issues of responsible sourcing and human rights.
Solène holds a Master's in marketing and communication, as well as a master in creative industries and social innovation from the EDHEC Business School.
She speaks French, English and Spanish.