Due Diligence ESG et Impact Investing en Private Equity

Due Diligence ESG et Impact Investing en Private Equity

Les Due Diligence RSE / ESG deviennent un standard de marché dans l’univers private equity, et l’impact investing vient rebattre les cartes pour un nombre croissant d’acteurs. Quelques éléments pour y voir clair dans ces évolutions. Cette interview a été effectuée dans le cadre de la réalisation d’un guide sur l’investissement à impact et les due diligence RSE paru récemment par l’AFITE (Association pour le Financement et la Transmission des Entreprises), association de professionnels du conseil des opérations de cession & acquisition d’entreprises (boutiques M&A, banques d’affaires, filiales de cabinets d’audit ou d’expertise comptable, consultants et conseils indépendants…).

Due diligence RSE / ESG & Fonds d’Investissement à impact dans le Private Equity

Due diligence ESG pour une meilleure appréciation des risques extra-financiers, développement des stratégies d’investissement à impact …
De nouveaux standards de marché ? Interview

Qui sommes-nous ?

Ksapa est un cabinet de conseil, entreprise à mission dotée d’un double ADN Développement Durable & Finance. Nous accompagnons les investisseurs et les entreprises pour conjuguer création de valeur et impact sur les enjeux environnementaux et sociaux. Ksapa travaille ainsi avec des entreprises, des fonds d’investissement & des institutions financières autour des problématiques ESG, RSE et d’impact positif dans le cadre de leurs stratégies et de leur mise en œuvre.

Raphaël Hara est Directeur Général de Ksapa – 20 ans d’expérience dans l’investissement & l’asset management, expert en finance durable & impact investment.

  • Qu’est-ce qu’une due diligence RSE ? Comment se déroule-t-elle ?

Elle consiste à analyser dans le cadre d’une acquisition de société la performance de l’entreprise cible en matière de critères ESG : environnementaux, sociaux et de gouvernance. 

Une due diligence ESG ou RSE peut comporter des dimensions réglementaires liées au droit de l’environnement ou au respect des normes sociales et de droits humains dans l’entreprise ou sa chaîne d’approvisionnement. Notamment, l’évolution de la réglementation européenne (plan sur la finance durable avec la taxonomie verte ou la refonte des obligations de reporting extrafinancier avec la Corporate Sustainability Reporting Directive ; directive sur les diligences en matière de droits humains, etc.) va permettre de progresser sur l’harmonisation d’attentes et de standards encore disparates. 

Elle doit également intégrer une analyse propre au secteur d’activité, notamment en plaçant les performances ESG dans une grille de lecture sectorielle, en s’appuyant sur l’identification des risques ESG les plus importants et en se comparant au regard de standards sectoriels internationaux reconnus. C’est une forme d’analyse de maturité pour les entreprises au regard des pratiques de durabilité du secteur dans lequel elles évoluent. La politique mise en place et la trajectoire définie par la société cible peut également rentrer en ligne de compte si elle a identifié les principaux risques et s’organise pour les traiter.

Cette appréciation doit se faire dans une logique de double matérialité : quels sont les risques environnementaux et sociaux que mes activités comportent pour l’environnement ou la société (par exemple : risques de pollution des fleuves par une usine) ? Et inversement quels risques principaux les évolutions environnementales et sociales peuvent faire porter sur mes activités (par exemple : la perte de biodiversité pour une activité agricole ou agro-industrielle) ?

  • Est-elle systématique ? Quel est son intérêt et son importance pour l’investisseur ?

Elle n’est pas totalement systématique mais tend à l’être, au regard du lien désormais largement démontré – y compris sur le long terme – entre performance dite extra financière et maîtrise des risques liés aux activités… La performance extra-financière est d’ailleurs un des éléments essentiels de préservation de la valeur des actifs dans un contexte de taux soutenant les marchés à des niveaux s’éloignant de leurs repères historiques et doivent être intégrés à tous les stades de développement des entreprises, comme nous le soulignions sur notre blog. En 2020, 88% des “LPs” (Société de gestion private equity) intègrent les critères ESG dans leurs décisions d’investissement. Plus de 500 de ces sociétés de gestion ont par ailleurs adhéré à l’initiative UN PRI (Principes pour l’Investissement Responsable des Nations Unies).

Par ailleurs, côté impact, un tiers des private equity européens ont un fonds d’impact ou souhaitent en constituer un dans les 2 ans. En conséquence, le potentiel de création de valeur et d’acceptabilité lié à l’impact positif social ou environnemental que peuvent porter les activités d’une entreprise devient un critère de plus en plus recherché. Comme mentionné dans un de nos récents webinaires sur la finance durable où participaient des dirigeants & experts de la FBF & BNP Paribas, le marché de l’investissement à impact a ainsi décuplé en 5 ans pour dépasser les 700 milliards de dollars fin 2020, et est attendu à 12.000 milliards en 2030 selon le GIIN, qui fait référence en la matière.

Pour tous les investisseurs, y compris généralistes, la performance ESG devient de plus en plus prégnante. A titre d’exemple, les critères ESG peuvent couvrir des dimensions comme : estimation de l’empreinte carbone (Scope 1 et 2 voire 3), performance en matière de santé et sécurité au travail ou existence de certains éléments de politique RSE en place (Code d’éthique de l’entreprise, consultation des parties prenantes, politique environnementale, gestion des litiges environnementaux et sociaux, gestion des données et incidents de cybersécurité, etc.).

Impact & ESG, deux notions à ne pas confondre

Pour les investisseurs à impact, il faut également démontrer un impact positif en ligne avec leur stratégie, c’est-à-dire une contribution à la résolution de problèmes sociaux ou environnementaux « by-design » dans le modèle économique ou les produits de la société cible.

Elément important, la maîtrise des risques ESG et l’impact des activités sont des notions qui ne sont pas équivalentes : une société conduisant ses affaires de manière parfaitement responsable n’est pas forcément éligible à la qualification d’« entreprise à impact », une société ayant un impact réel peut tout à fait avoir une performance RSE et une maîtrise des risques ESG insuffisantes.

L’impact doit intégrer : une réelle intentionnalité, une additionalité démontrée (i.e. des impacts positifs qui n’existeraient pas sans l’action de l’entreprise) et une réelle mesurabilité de l’impact. Chez Ksapa, nous ajoutons à ces critères de place la dimension de matérialité, d’importance pour les activités et le modèle de l’entreprise : rien ne sert d’avoir un impact s’il est marginal !

Dans tous les cas, les discussions sur la performance extra-financière sont un excellent terrain d’échange pour les investisseurs comme pour les sociétés cible pour nourrir une compréhension mutuelle … et vérifier la compatibilité des philosophies et perspectives en vue de l’intégration à venir.

  • Comment s’y préparer ? Quels sont les principaux points d’attention, anomalies ou points d’amélioration généralement relevés ? La dimension RSE a-t-elle un impact sur la valeur ? est-il possible de le quantifier, même approximativement ?

Naturellement, cela dépend des types d’investisseurs, de leur taille et de leur maturité sur le sujet, mais nous constatons une nette convergence entre les attentes sur les performances ESG provenant des investisseurs, des banques (notamment au travers du développement des « Sustainability Linked Loans » ou crédits à impact, dont le taux d’intérêt varie selon la performance ESG) et des clients (notamment des grandes entreprises demandant à leurs fournisseurs l’accès à leurs notations extra-financières par des organismes type Ecovadis).

Les obligations règlementaires en termes de reporting vont de toute façon conduire à mieux rendre compte des performances ESG, donc autant se mettre en action sur ces sujets. La CSRD va en tous les cas étendre sur 50.000 entreprises européennes de plus de 250 salariés un schéma de reporting RSE sur une base d’indicateurs appuyée par de la donnée digitalisée. Ces indicateurs vont très probablement se retrouver dans des transactions de type : cahier des charges, obtention de prêt bancaire… mais également acquisitions. C’est une généralisation certes imparfaite mais réelle d’efforts de due diligence RSE.

Pour répondre à ces attentes, les actions à entreprendre doivent être solides et s’appuyer sur une analyse globale et une politique RSE intégrée. Il faut analyser les principaux risques et les opportunités, être attentif aux attentes des parties prenantes, se comparer aux entreprises du secteur, mettre en valeur ce qui se fait déjà, s’aligner sur les bonnes pratiques en définissant une trajectoire d’intégration des enjeux de durabilité au cœur des activités.

Une certaine convergence entre les obligations de reporting, les attentes des clients, des banques et des investisseurs

Globalement, chez Ksapa, nous constatons cette convergence car nous accompagnons des entreprises dans l’amélioration de leur stratégie RSE et de leur performance ESG d’un côté (en vue de cession ou dans le cadre de l’évolution de leurs activités). Mais nous assistons également des investisseurs dans la définition de leur politique ESG ou leur stratégie d’impact, les due diligences associées ou la mise en œuvre du pilotage et du suivi ESG & Impact.

Quant à la valorisation, la surperformance des investissements durables ou des entreprises alignés avec les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies est démontrée par de nombreuses études dans l’univers coté. C’est un peu moins balisé dans le non-coté, où il faut de toute façon se baser sur une analyse des spécificités sectorielles et du modèle de l’entreprise qui feront ressortir certaines dimensions ESG plutôt que d’autres. La due diligence des dimensions ESG, notamment au niveau environnemental, peut également emporter des conséquences en matière de garantie de passif, sur des durées potentiellement plus longues que certaines garanties usuelles.

En tous les cas, selon une récente étude, plus de la moitié des gestionnaires ont déjà refusé des investissements pour des raisons liées à la performance ESG. D’ailleurs 2/3 environ de ces acteurs du private equity considèrent l’ESG comme un terrain de création de valeur. Auparavant, la gestion des risques était le principal moteur de l’activité ESG, aujourd’hui, la création de valeur devient tout aussi prégnante. Nous voyons une évolution claire du stade de mise en conformité vers une ère de la maturité ESG qui est de plus en plus saisie comme une opportunité avec l’essor de l’économie à impact.

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Après 20 ans d'expérience dans l'investissement et l'asset management, notamment immobilier, Raphaël Hara travaille sur les liens entre finance et durabilité, notamment au travers du développement et de la mise en œuvre de projets d'impact investing.

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