Un sondage IFOP publié dans La Croix le 6 septembre, et largement commenté au Forum RSE de Giverny est très instructif. Le concept est peu connu du grand public en général, mais résonne fortement dans deux populations éminemment stratégiques : les dirigeants et la jeunesse.
4 enseignements dans ce sondage
Ce sondage, effectué fin août auprès d’un échantillon représentatif de la population française est très instructif.
- La RSE bénéficie d’une notoriété discrète, mais avec une image positive, ce qui n’est pas évident dans un monde dans lequel le niveau de confiance dans les entreprises est faible, et dans lequel le renforcement des inégalités et de la crise climatique pourrait inciter à davantage de cynisme de la part des personnes interrogées
- La RSE est l’affaire de tous : consommateurs, particuliers, pouvoirs publics, mais les personnes interrogées peinent à s’en approprier les contours. Ceci est assez normal compte tenu du périmètre à géométrie variable, selon les entreprises, que revêt la RSE
- Les principales attentes en matière de performance RSE tournent autour des questions de protection de l’environnement, d’amélioration des conditions de travail et du bien-être des salariés, et de renforcement des pratiques éthiques des entreprises. On retrouve bien là une logique selon laquelle l’entreprise doit inscrire la question écologique au cœur de ses produits et de son fonctionnement. L’entreprise est attendue dans la manière selon laquelle elle traite et investit sur ses collaborateurs. L’entreprise est attendue sur son éthique, et les écarts sont de plus en plus intolérables : corruption, harcèlement sexuel, non-respect des droits humains dans les chaînes d’approvisionnement…
- Le concept de « raison d’être » est bien accueilli. Si une crainte de n’y voir qu’une posture de façade est évoquée, le concept est plébiscité principalement pour sa capacité à donner du sens et pousser plus avant la performance des entreprises
Pourquoi ce sondage apporte des bonnes nouvelles?
3 enseignements sont très intéressants à la lecture de ce sondage, qui n’est « qu’un sondage », mais capte tout de même utilement l’air du temps.
1. Le Dirigeant se sent (enfin) concerné
Les travaux de recherche, les bons exemples d’entreprises où la RSE a un impact sur la performance de l’entreprise, les processus et référentiels qui portent la RSE depuis 30 ans le disent et le répètent toujours de manière consensuelle et unanime : l’implication du Dirigeant est essentielle tant dans la définition que le déploiement d’une démarche RSE.
Pour autant, selon le positionnement du département RSE dans les organigrammes, et les prises de paroles des Dirigeants sur ces questions, on peut se faire assez facilement une idée de son implication réelle ou supposée. Si le Dirigeant est généralement impliqué sur les questions sociales, son implication directe sur les questions sociétales ou environnementales a évolué dans le temps. On a vu par exemple depuis 10 ans une implication toujours plus forte des Dirigeants sur les questions climatiques. Ils envoyaient volontiers un expert s’exprimer au nom de leur entreprise il y a 10 ans. Maintenant, les Dirigeants se déplacent et s’investissent directement dans ces discussions.
La bonne nouvelle de ce sondage est la suivante : le Dirigeant se sent enfin réellement concerné par les questions de RSE. Ne nous trompons pas: il y a toujours eu des Dirigeants qui se sont sentis concernés. La bascule désormais est différente : le Dirigeant n’a plus d’autre choix que de s’impliquer directement et de « mouiller la chemise », au risque sinon de passer pour dépassé par les événements et le rôle qu’il est attendu de lui voir jouer de la part de ses salariés et clients. Pour preuve le thème de l’université d’été du Medef tenue au même moment que ce sondage, fin août 2019 : No(s) futur(s), Climat, inégalités, conflits… quel capitalisme demain ?
2. L’intérêt porté par la jeunesse illustre les transformations sociétales profondes dans lesquelles s’inscrit la vie des entreprises
Les grèves climatiques qui ont été assez populaires et suivies dans les collèges et lycées, l’implication des jeunes dans des mouvements de type Extinction Rebellion est réelle. Le Manifeste pour un réveil écologique a été signé par des dizaines de milliers d’étudiants. La jeunesse exige un « réveil écologique » de la société. Des étudiants refusent de travailler pour des employeurs qui ne respectent pas leurs convictions environnementales.
La bonne nouvelle de ce sondage est ainsi la suivante. La jeunesse est l’avenir de la société. L’avenir du corps électoral qui choisit ceux qui font les lois auxquelles les entreprises doivent se conformer. Le vivier de forces vives qui façonne la créativité, les talents et les salariés dans lequel les entreprises vont devoir puiser. Le socle en devenir du marché et des attentes des consommateurs décidant ce qui est acceptable et ce qui ne l’est plus.
Dans un tel contexte, que la jeunesse s’intéresse à la RSE est extrêmement encourageant pour tous ceux désireux de voir cette thématique traitée de manière réellement stratégique par les entreprises. La RSE est un moyen permettant aux entreprises de rester en phase avec la jeunesse et de se bâtir ainsi un avenir.
3. Le respect porté au concept de RSE le renforce dans un rôle stratégique
Dans un contexte de montée des inégalités, du tout consumérisme et de crise climatique, on aurait pu s’attendre à davantage de cynisme et de défaitisme de la part des personnes interrogées. On aurait pu observer une perception plus sarcastique du concept de RSE permettant à l’entreprise de se donner un beau profil sans rien changer dans le fond de ses pratiques.
Il n’en est rien.
Si le concept est relativement peu connu, ceux qui s’intéressent à la RSE et en premier lieu les dirigeants et la jeunesse prennent la RSE très au sérieux et expriment beaucoup d’attentes concrètes. La RSE est comprise comme éminemment stratégique et porteuse de transformations pour adapter les entreprises, leurs produits et leurs pratiques, à un monde en pleine mutation sociale, environnementale et numérique. Pas moins.
Pour ne pas passer pour un dirigeant dépassé par les événements. Pour ne pas décevoir la jeunesse, ce sondage invite donc les entreprises à traiter la RSE comme une thématique stratégique d’adaptation et de transformation de l’entreprise. Au travail!
Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.