Alors que les mesures d’urgence s’inscrivent dans la durée, Ksapa s’interroge sur les conditions d’une sortie par le haut de la crise de la Covid-19. Face à l’incertitude, l’excellence socio-environnementale s’impose comme une solution de choix. Nous examinons donc la marche à suivre à destination des entreprises et investisseurs.
En février dernier, l’Union européenne a opéré une petite révolution – discrète mais lourde de conséquences. Elle a en effet publié une nouvelle stratégie commerciale internationale alignée avec le plan de relance du « Green Deal » européen. Cette dernière est en cela conçue pour satisfaire aux engagements de l’UE vis-à-vis des Objectifs de Développement Durable de 2030. Le document a de plus été publié la veille d’un premier G7 en présence de Joe Biden, marquant le retour officiel des États-Unis dans le giron des Accords de Paris. Ce G7 portait justement sur la collaboration et Joe Biden y a réaffirmé son souhait de coopérer pour relancer une croissance verte.
Un tournant politique symbolique se dessinerait-il en ce début d’année ? Peut-on espérer voir ces pays coopérer, dès lors qu’ils représentent près de 50% de l’économie mondiale ? Serait-ce l’opportunité de dessiner une économie de l’après Covid-19 « plus verte », créatrice d’emplois et de croissance ? Tiendrait-on là le moyen de sortir par le haut de la crise pandémique ? Rien n’est moins sûr.
Une logique implacable s’impose aux entreprises et investisseurs
En 2021, c’est justement l’incertitude qui – paradoxalement – oblige entreprises et investisseurs à viser l’excellence socio-environnementale. En effet, une triple logique semble s’imposer, implacablement, aux entreprises comme aux investisseurs :
1. L’acceptabilité des opérations en question
En l’état, le commerce international n’a pas créé les conditions de son acceptabilité par les opinions publiques. Différentes études montrent combien les classes moyennes des pays occidentaux se sentent déclassées et appauvries par des décennies de mondialisation.
En 2013 déjà, l’effondrement du Rana Plaza avait rappelé que l’internationalisation des approvisionnements se faisait au prix de l’horreur humaine. Depuis, la crise Covid-19 a fait s’effondrer des pans entiers de l’économie mondiale. Le commerce international serait en fait un colosse aux pieds d’argile. En réponse, des initiatives règlementaires sont très populaires qui visent à responsabiliser les acteurs économiques. La consultation publique portant sur l’initiative de devoir de vigilance de l’Union européenne de 2021 a par exemple connu un vif succès.
Gérer ses risques extra-financiers malgré les injonctions contradictoires est devenu la pierre angulaire de l’excellence managériale.
2. Prévalence des enjeux socio-environnementaux
Le commerce international instrumentalise désormais les questions socio-environnementales. Le contexte actuel est de plus tiraillé par des affrontements commerciaux (USA/Chine, Brexit/UE…) exacerbés par la crise sanitaire. Le temps de la libre circulation des biens et personnes est durablement remis en cause.
L’opinion publique veut de l’emploi, de la protection sociale, de la sécurité. Autoriser ou bloquer l’entrée de personnes et de marchandises sur son marché répond de tous temps à un agenda politique. La performance socio-environnementale d’un produit ou pays émetteur est un instrument clef de ce même agenda. Les douanes américaines multiplient par exemple les blocages ciblés d’imports de produits étrangers soupçonnés de violations des droits humains. Ce type de recours devrait perdurer sous l’administration Biden. Les autorités européennes se réservent aussi le droit de refuser des produits britanniques sujets à une divergence de normes socio-environnementales.
Ainsi donc, savoir identifier des leviers d’innovation pour éliminer les risques socio-environnementaux à la source est devenu un gage de pérennité réglementaire.
3. Essor des risques juridiques
Le contexte opérationnel international s’est durablement dégradé et fait porter un risque juridique accru aux entreprises et à leurs investisseurs. La crise sanitaire a décuplé la pauvreté et l’emploi informel.
Transparency International nous alerte d’ailleurs sur la spirale infernale de l’urgence sanitaire, qui pourrait durablement remettre en cause l’intégrité de nos organes de contrôle. Tous les pays sont à ce titre concernés. Pour les acteurs économiques, les difficultés opérationnelles actuelles liées aux déplacements internationaux continuent d’altérer les capacités de contrôle, d’audit et de gestion présentielle des équipes et partenaires. Des leviers essentiels que pas même les systèmes digitaux ne sauraient pleinement et durablement remplacer.
Les questions d’intégrité, de respect des droits humains, de conformité environnementale des activités génèrent dès lors mécaniquement des risques accrus pour les entreprises et leurs investisseurs.
L’excellence socio-environnementale au service de la relance post-Covid
Nous sommes convaincus que l’excellence socio-environnementale offre un outil de choix pour une sortie de crise par le haut. À cette fin, notre équipe a identifié les 3 leviers suivants :
1. Démontrer la maturité de votre approche
Connaître les risques socio-environnementaux propres à vos activités et les traduire en plans d’action opérationnels. Plus de 200 entreprises figurent sur la liste A du CDP. Cela témoigne a minima d’une solide compréhension de leur impact carbone, comme de leur volonté d’identifier des solutions.
On en viendra à attendre de ces entreprises qu’elles fassent preuve d’une sophistication comparable en termes d’excellence socio-environnementale. Il se profilerait ainsi une liste A spécifique à l’eau, à la déforestation ou encore à la biodiversité. A terme, les acteurs économiques devront également -faire preuve de maturité en matière de politiques d’inclusion, de droits de l’Homme et de salaires décents. C’est peut-être encore plus difficile.
2. Structurer des plans d’excellence socio-environnementale à la hauteur des enjeux
Il est essentiel qu’entreprises et investisseurs élaborent un plan de transformation et d’adaptation de leurs opérations, produits et services. Il s’agit en cela de se mettre au diapason des nouvelles directives réglementaires… sans tenir compte des éventuelles contradictions.
En effet, de nombreuses entreprises se sont engagées à agir en faveur d’une neutralité carbone effective. Tout récemment, 20 nouveaux signataires ont rejoint l’Engagement Climatique. Ce sont 53 entreprises mondiales qui sont désormais engagées à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. Cela représente 10 ans d’avance sur l’échéance de 2050 définie par l’accord de Paris.
Poussant leur engagement un cran plus loin, des entreprises comme Nexans réfléchissent à des approches « climate positive ». Cet objectif équivaut à s’assurer où leurs émissions de GES sont inférieures à leurs impacts positifs pour le climat. Elles doivent d’abord se concentrer sur des efforts de sobriété dans leurs usages. Ce n’est qu’ensuite qu’elles pourront avantageusement investir dans les énergies renouvelables et l’élimination des solutions trop intensives. Ce n’est qu’en fin de course qu’interviendrait le captage et la séquestration du carbone. Ces entreprises contribuent en cela au consensus croissant sur la contribution marginale de la compensation dans le cadre de stratégies climatiques ambitieuses.
3. Définir une approche d’impact
En 2021, par exemple, déclarer que son organisation a réduit ses émissions de GES de 25 % ne suffit plus. Il s’agit de collectivement donner des gages d’une approche crédible et opérationnelle de la neutralité carbone d’ici à 2030.
Envoyant un net signal à son écosystème commercial, Anheuser-Busch InBev a récemment signé une obligation indexée à des critères ESG pour un montant record de 10,1 milliards de dollars. Alors que cette catégorie existait à peine avant 2017, cette facilité de crédit remplace une ligne de financement antérieure. De cette façon, le groupe établit une forme d’équivalence entre ses marges d’intérêt et l’atteinte d’objectifs environnementaux. Ces derniers vont de la gestion de l’eau, à la réduction des plastiques, en passant par l’intensité et les émissions de leur consommation énergétique.
Déjà en 2014, Unilever avait mis en place la toute première obligation verte. Les produits de cette obligation devaient être réinjectés dans une série de projets répondant à des critères précis en matière d’émissions de GES, d’utilisation de l’eau et d’élimination des déchets, dans le cadre du plan de vie durable d’Unilever.
Dans le sillage d’une telle mobilisation du secteur privé, les obligations indexées sur des objectifs de développement durable pourraient représenter jusqu’à 8 % du marché obligataire en 2021. Avec un marché global estimé à 10 milliards de dollars, les opportunités liées à l’excellence socio-environnementale ne sauraient être plus claires.
Conclusion | L’excellence socio-environnementale, rapidement (et avec impact)
Nos partenaires sont formels : face à l’incertitude, l’excellence socio-environnementale s’impose comme une solution de choix. L’urgence d’une action rapide et ambitieuse des entreprises sonne comme une évidence. Le véritable enjeu est de développer une approche consensuelle pour obtenir et pérenniser de tels engagements. En d’autres termes, l’excellence socio-environnementale pourrait bien se résumer à dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit.
Il ne s’agit pas seulement de procéder dans une logique de gestion risques. Les opportunités sont immenses pour les acteurs économiques capables de joindre le geste à la parole… et de le prouver. Contactez Ksapa afin que nous envisagions ensemble la meilleure façon de vous aider à vous lancer. Notre équipe et notre communauté de plus de 150 experts sont basées dans les économies du G20, mais aussi en Afrique et en Asie du Sud-Est. Ainsi, nous pouvons vous aider à déployer une expertise multidisciplinaire et contextuelle pour aborder des questions aussi sensibles et complexes.
Auteur de différents ouvrages sur les questions de RSE et développement durable. Expert international reconnu, Farid Baddache travail à l’intégration des questions de droits de l’Homme et de climat comme leviers de résilience et de compétitivité des entreprises. Restez connectés avec Farid Baddache sur Twitter @Fbaddache.